Je prévois une journée horrible, à moins que j’aie la force de me reprendre. Levé 10h30 péniblement, fumé la seule cigarette qui me restait, toujours pas mangé à midi passé, aucune envie de me mettre à quoi que ce soit de contraignant, j’ai suivi presque en entier un feuilleton policier allemand sur la 6, puis zappé sur toutes les autres chaînes quand il a été terminé. Tout ça à cause d’hier soir, qui aurait pourtant dû au contraire être un bon moment. Vers sept heures, Paul et Victoria m’ont téléphoné du Saguaro, et je suis allé les y retrouver. Suivi plus tard de Joris, puis d’Ermold et Marie-Charlotte, que j’avais invités à se joindre à nous ; on ne s’était pas vus depuis longtemps (à cause de la thèse sur laquelle Ermold travaille maintenant non stop pour enfin la boucler — il n’a plus le choix, il faut dire), et j’étais content qu’on passe la soirée ensemble. Mais le sentiment de ma vacuité s’est emparé de moi tellement fort que c’en était à la limite du supportable. Je me suis senti tellement rien à côté d’eux tous que je n’arrivais pas à répondre aux vannes à la file d’Ermold, d’autant plus en verve qu’il s’en était bien rendu compte ; et j’étais sûr de passer pour un crétin aux yeux de Marie-Charlotte. Je n’arrivais plus à faire surface. Plusieurs fois j’ai failli partir, tout laisser en plan et rentrer, même au restaurant ensuite. J’étais complètement à côté de la plaque, incapable de tenir un rang quelconque. Après qu’on se soit séparés il a fallu que je monte chez Joris pour en parler, tant je me suis retrouvé démuni, incapable de prendre sur moi plus longtemps. Et pour que j’aille geindre dans les jupes de mon petit frère il faut vraiment que ça n’aille pas.
À chaque nouvelle récolte, le diable apparaît, et vient prendre son dû.