Vendredi matin, 5 décembre

Vu hier soir avec Joris et Sylvette la seconde pièce de notre abonnement au TNB : La Maladie de la mort, un texte de Marguerite Duras mis en scène par Robert Wilson. J’ai été conquis, alors qu’on nous laissait prévoir un spectacle assez chiant. Le texte l’était un peu, chiant — c’est du Duras — mais ça n’avait aucune importance ; à de nombreux moments je ne suivais même plus. C’est l’ensemble qui était très beau, très prenant. On était plongé dans une ambiance étrange, avec ces deux personnages qui ne se parlent jamais l’un à l’autre, un décor peint minimaliste, un rôle important de la lumière, ainsi qu’aux mouvements des acteurs : ce n’est pas pour rien que le metteur en scène a choisi une danseuse (Lucinda Childs) pour jouer avec Piccoli — qui m’a beaucoup plu. Par moments, c’était même drôle. Surtout les petits interludes incongrus qui ponctuaient les séquences où le texte était joué.

Dans la voiture du retour, après avoir laissé Sylvette en bas de chez elle en face du théâtre, impossible de ne pas poursuivre sur ce que nous venions de voir. Et Joris était si emballé qu’il a illico renfourché son cheval de bataille : la supériorité du théâtre sur le cinéma — plus riche, plus complexe, etc. Il appuyait même sa thèse avec Peter Greenaway, qui a abandonné le cinéma parce qu’il ne le trouvait plus (pas ?) inventif : trop « bourgeois » et installé (il monte en ce moment une exposition à Paris, qui doit être à mi-chemin de l’installation et qu’il a baptisée opéra : 100 objects to represent the world). Je comprends que les goûts portent plus volontiers vers l’un ou l’autre mais je ne vois pas où il y aurait d’histoire de supériorité ; le cinéma en tant que médium ne peut se réduire à l’inventaire des productions, et encore moins des productions actuelles (qu’est-ce qui retenait Greenaway d’en inventer une nouvelle forme d’ailleurs ?). Que ce soit un art un peu perclus, ou trop jeune au contraire, pour avoir connu la profondeur d’évolution des autres, peut-être – encore qu’on a beaucoup tourné et que les idées circulent aujourd’hui plus vite que dans les temps passés. Mais rien (si ce n’est l’argent qu’il nécessite, tout de même) n’oblige à ce qu’il demeure aussi attaché à un narrativisme éculé et des schémas visuels tellement classiques qu’ils en sont devenus à la fois transparents et usés : c’est loin d’être toujours le cas.

Oncle Croc Croc, Monsieur houiné, le capitaine de Liverpool, amour bête, mais tendresse de Milan Füst. Plaisir de l’Histoire de ma femme.