Dimanche 28 décembre 1997 (hors tout lieu, mais dans un doux hiver occidental)

La question du réveillon à venir me préoccupe – ça s’est vu. Joris et moi avons maintenant l’intention de le passer avec Paul. Mais quoi faire, cela demeure nébuleux — sans doute une soirée itinérante de fête en fête selon ce qu’on trouvera. Il y a surtout le problème de devoir décommander ceux qui avaient dit oui quand on a lancé l’idée du Méliniac traditionnel – un peu tôt. J’en ai touché un mot rapide à Arnaud l’autre jour au détour de la conversation : il n’a pas dit mot (selon son habitude), mais n’en a sans doute pas pensé moins. Il reste Xavier et Claire, et je me sens assez coupable de les laisser sur la paille au dernier moment ; j’ai déjà eu assez de contentieux de ce type avec Xavier ces dernières années[1]. Tout ça m’angoisse beaucoup. Et j’ai bien assez d’autres difficultés à affronter en ce moment ; j’en ai plus qu’assez que tout se passe si mal (ou alors est-ce ma manière de faire, pas suffisamment forte, déterminée, qui me les fait voir ainsi ?). Je suis submergé ; incapable de retenir ensemble tous les fils. On se voit tout à l’heure au café, on sera nombreux, et il faudra bien aborder la question : j’y vais à reculons, putain. Ça me fait horriblement chier. En plus Stéphanie sera là : j’aurais préféré l’éviter. Déjà vendredi soir, quand on s’est réunis chez Greg pour dîner, elle était là, évidemment. J’ai dû faire avec, ça n’a pas été facile (j’en avais parlé avant à Bérengère). Je l’ai trouvée désagréable, excessivement froide à mon égard, pas intéressante. Elle ne m’a pas plu du tout. Et la simple évocation de sa vie là-bas (ce dont elle ne se prive pas[2], elle parle même de bientôt présenter son « copain ») me provoque trop de déplaisir. C’est encore super vif. Ces rencontres presque fortuites sont peut-être positives en ce qu’elles m’aident à terminer de tirer ce trait sur le passé que j’ai commencé de tirer depuis deux ans, c’est au moins ça. Mais bon, ce n’est pas ça qui me tracasse le plus ce soir.

De retour avec Joris du Croisic tard hier soir, en débarrassant le coffre de la voiture chez les parents au Pont, une partie des paquets m’a échappé, et j’ai laissé tomber sur les pavés de la cour la bouteille de Lagavulin que j’avais achetée dans l’après-midi. Si je ne l’avais pas ouverte un peu plus tôt dans la soirée, pour apporter un élément de plus à la dégustation de whisky que nous a proposée notre oncle, elle aurait été brisée sans qu’une goutte n’en soit bue. Je l’ai de toute façon eue très mauvaise, moins pour la valeur de la bouteille (grande néanmoins) que parce que j’ai trop l’impression d’accumuler les tuiles depuis au moins le début des vacances de cette année maudite.

[1] D’autant plus que la justification qu’il faudrait aider Paul dans la passe difficile où il est ne peut guère tenir. Quelques mois à peine après la mort de sa mère, Xavier a aussi besoin d’être entouré pendant cette période des fêtes. Que cette nécessité humaine passe pour moi au second plan est un indice, malheureux mais suffisant, que nos relations n’ont plus la proximité d’autrefois.

[2] Il faut bien qu’elle se fasse exister par rapport à nous ici.