J’ai repoussé pendant des mois le moment de me mettre vraiment à ma thèse. À la rédiger, comme on disait autrefois (on peut même dire que ça fait des années que je le repousse). Accumulant des lectures sans rendement qui n’avaient pour la plupart qu’un rapport indirect au sujet, j’avais même évité jusqu’à aujourd’hui de regarder à nouveau les maigres notes prises lors de mon entretien avec Branger début juillet. Comme si elles étaient le diable et que je n’allais pas le supporter, ou comme si elles étaient, au contraire, les Tables de la Loi, le Sésame dont la possession rendrait le jour venu tout facile : elles m’ont paru obscures, ne faisant qu’effleurer une infinité de problèmes trop difficiles qu’elles laissent dans l’ombre. Malgré trois années d’inscription passées, c’est maintenant encore se jeter dans l’eau glacée quand on ne sait pas nager. Et je repousse à nouveau. Ce soir je ne vais sans doute pas sortir, et il n’est que sept heures et demi, mais je sais que je ne m’y mettrai pas. La nuit est tombée et il pleut. Je vais plutôt poursuivre la révision de vieilles pages de ces notes qui ont plus de quatre ans et demi : entreprise sans but et qui ne m’engage en rien. Je manque vraiment de courage et de résolution. Je suis l’homme du rien.