Hier soir, soirée calme et profonde avec Berry. Elle m’a emmené au restaurant japonais, je n’y avais encore jamais mangé. À nouveau, je suis très japonais en ce moment.
Dans Le pavillon d’or de Mishima, que j’ai commencé de lire, cette phrase:
« Les infirmes, comme les jolies femmes, sont las d’être regardés ; ils ont la nausée de vivre continuellement cernés par le regard des autres, et c’est de leur existence même qu’ils chargent le regard qu’ils renvoient aux autres : le vainqueur est celui qui impose son regard à l’autre. »
La pensée n’est pas d’une grande originalité — elle sonne même comme une évidence — mais la manière de la dire me plaît (il y a, par ailleurs, dans le livre, de nombreuses scènes qui sont très belles, et ce sont notamment elles qui me font rêver à nouveau du Japon). J’ai de toute façon du mal à saisir ce qui est trop compliqué ou subtil ; hier soir dans mon lit, j’ai lu encore une fois « Pierre Ménard… » de Borges, et comme les précédentes, l’analyse que fait le narrateur de cette portion de phrase du Quichotte de Ménard, « … la vérité, dont la mère est l’histoire, émule du temps, dépôt des actions, témoin du passé, exemple et connaissance du présent, avertissement de l’avenir », m’a posé de grandes difficultés. L’intelligence et la finesse de Borges sont porteuses de découragement autant que vivifiantes. Le lire me fait chaque fois passer durablement dans une autre sphère, mais qui n’est pas libératrice.