Jeudi 6 mai 1999, Nantes

Mercredi cinq mai, hier soir,

première projection publique

Antigone et Du jour au lendemain

de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

au Cinématographe.

Contre toute attente un beau succès,

plus de cent entrées payantes,

quand je craignais qu’il n’y en ait pas la moitié.

N’y étaient ni ce salaud d’Ermold

(enfin il a fourni aujourd’hui

un mot d’excuse valable)

ni Marc Ausone,

qui devait écrire un article : il l’a peut-être fait,

mais il n’est pas passé.

(si la soirée avait été un échec, je leur en aurais voulu).

Je pense même qu’on est rentrés dans les frais

il faut dire qu’on avait ouvert un bar clandestin à l’entracte,

et que ça a beaucoup joué.

Dix francs la canette de bière,

ce n’est pas excessif,

et ça fait tout de même sept francs

de gagnés dessus. Le problème

est qu’on ne pourra peut-être pas refaire ça

à chaque fois : si on se fait prendre

on aurait l’air malin.

En tout cas, ça donne l’envie

de recommencer,

et pour moi, de m’y mettre de façon plus sérieuse.

Pour cette fois, je n’ai été

qu’un prête-nom pour Joris

(comme Stéphanie)

puisqu’il faut plusieurs personnes

pour former une association.

Non seulement les gens sont venus,

mais ils se sont montrés

intéressé,

beaucoup

nous ont demandé ensuite des renseignements,

ce qu’on comptait montrer ensuite

et quand.

De ça, nous n’avons pas encore discuté

(Joris et Stéphanie sont partis dès aujourd’hui

rendre les bobines à Sarcelles

puis voir Mady, ils ne rentrent que dimanche).

Nous ne connaissons pas bien du tout

le cinéma « difficile ».

Mais il y a un public,

même si le nom de Straub

a pu attirer

plus que ne l’auraient fait d’autres :

eux sont connus des cinéphiles,

qui n’ont pourtant que peu eu l’occasion

de voir leurs films

du moins en salle à Nantes.

Ermold, Jean-Jacques Morice, et d’autres

ont déjà suggéré des auteurs.

La politique de petit tarif a plu aussi :

vingt-cinq francs pour deux films,

il faut dire que ce n’est pas voler

(peut-être pourra-t-on monter à trente :

on s’en est tiré, parce que chaque film

ne coûtait que mille francs ;

d’après Ermold, ça peut monter

à deux mille cinq cents

ou trois mille

pour les plus chers).

Nous n’avons en revanche pas pu voir beaucoup des films.

Pour le premier, nous étions si contents

Joris et moi

qu’on est resté fumer des clopes dans le hall

en ressassant notre joie.

Et pour le second,

il a fallu que je m’éclipse à mi-séance

pour demander à tous ceux qui n’avaient pas tenu

et étaient sortis en cours

(notamment lors d’un long plan fixe

sur des pierres au sol — une photo magnifique —

pendant lequel le chœur parle

de sa voix monocorde. C’est sûr

qu’il faut être un peu armé ;

mais une fois qu’on entre dedans,

c’est d’un attrait puissant.

Évidemment loin

des canons

du cinéma habituel,

même du meilleur)

de parler moins fort dans le hall :

on entendait vraiment trop

leurs discussions depuis la salle.

Papa est venu,

de même que Broerec,

qui n’a pas tenu vingt minutes de chaque film,

et Fred, les Mathieu(x),

Monsieur Loïc,

qui venait d’avoir le jour même

un article dans les Inrocks.

Aujourd’hui Chepe est parti à Madriz

passer les première épreuves

du concours de contrôleur aérien.

Ce serait bien qu’il l’ait,

puisque c’est son désir actuel.

Mais je le regretterai s’il part,

l’an prochain s’il

n’est plus à Nantes

(on peut être sûr qu’assez vite,

nous ne donnerions plus

de nouvelles :

il faut bien se dire

que c’est presque tout le temps comme ça

l’amitié).