Je ne me sens plus si heureux que la fois précédente : mes tentatives ont à nouveau échoué. Sarah me fait vraiment lanterner comme un malade. Elle m’a posé un nouveau lapin, et j’ai arpenté un bon moment les rues du centre pour essayer la voir quand même. Elle affirme être très bien seule maintenant, et la brève conversation que j’ai eue avec elle a été plutôt sèche. Si rester seule, c’est ce qu’elle désire, je n’ai (malgré mon chagrin) rien à y redire ; mais dans ce cas pourquoi m’avoir sauté dessus comme elle l’a fait ? J’ai l’impression d’avoir été escroqué… Elle commence à me faire vraiment chier. Je ne vais pas jouer au con pendant cent sept ans. Tout ça me gâche la vie, à nouveau ! Il fallait que je confie mes déconvenues à quelqu’un ; j’ai appelé Marie-Charlotte. Elle a confirmé que Sarah était très chiante en ce moment, et qu’elle avait besoin d’un bon coup de pied au cul. Mais elle le pense aussi parce qu’elle a manœuvré pour que nous soyons ensemble. Heureusement, le noir Ermold n’était pas chez elle : il lui a fait une scène. Il est affreusement jaloux de moi. Elle a dû lui jurer que nous nous étions quitté elle et moi vendredi soir (nous rentrions quand le reste de la bande allait se finir au Shaka à côté de chez Paul) en bas de la rue du Calvaire, alors qu’elle m’a ramené en voiture jusqu’à ma rue, et qu’on est resté discuter une heure garés sur le trottoir. C’est une situation aussi gênante que stupide ; et je ne peux rien lui en dire, n’étant pas censé être au courant. Ce serait bien qu’il provoque de lui-même une discussion à ce sujet.
Je ne peux pas m’enlever tout ça de la tête. Et à Méliniac tout à l’heure, où toute la famille s’est rassemblée pour ma grand-mère, je me suis senti très peu en phase avec ce qui se passait ; en plus d’être triste, forcément, l’ambiance était glauque, et à une ou deux exceptions près, je n’ai pas grand chose à dire à ma famille. Mes cousins et cousines, mes oncles et tantes (même s’ils sont loin d’être désagréables ou cons : ce sont des gens bien), sont devenus trop différents de moi ; ou moi d’eux. Je n’ai même pas voulu aller voir le corps de Grand-Mère sur son lit ; je crois que j’ai déjà tiré un trait, même si le dire est embêtant parce que ça fait de moi un égoïste.