Ce matin, en surveillant une permanence au collège où je suis pion, j’ai fait remplir à des élèves de troisième un questionnaire qu’on m’avait demandé de leur distribuer ; un ensemble de questions qui portait sur eux et leur perception d’eux-mêmes. Je circulais entre les tables pour discuter avec ceux qui le voulaient bien (le contact est un peu difficile à établir au delà de quelques mots, soit que j’oublie qu’ils sont jeunes, soit que j’évalue mal ma position vis-à-vis d’eux) ou jeter un œil à ce qu’ils écrivaient ; et au milieu des réponses convenues et des conneries[1], une élève parmi mes préférées, une petite nana charmante et réservée qui s’appelle Lucie (joli prénom), a écrit, parmi les souhaits qu’elles formulaient pour l’avenir celui « d’être aimée », et m’a tendu sa feuille d’un air plein de candeur : j’ai trouvé ça touchant.
Le soir je suis allé assister à la représentation de la pièce de théâtre montée par mon père avec ses élèves (il faisait déjà ça il y a dix ans quand j’étais moi-même au collège) : principalement pour lui faire plaisir, il faut l’avouer, même si c’est du bon travail et qu’il s’y donne à fond — je suis d’ailleurs resté dans la pénombre murmurante et bleutée de la régie avec Joris, qu’il avait pris pour s’occuper des lumières. Lorsqu’à la fin, au moment où les comédiens ont salué le public, il est monté sur la scène, ma gorge s’est serrée, et j’ai été submergé par l’émotion.
[1]Intéressant de voir comme ils pervertissent cette idée d’enquête pour se faire mousser ; je ne sais si ce caractère est ou non pris en compte par ceux qui la dépouillent : c’est bien l’adolescence !