Lundi 9

Encore une fois je ressors déçu de ma séance chez le docteur Moreau : j’ai l’impression qu’elle ne va rien m’apporter. Je sais bien que mon impatience (ma trop grande naïveté) de me voir enfin changer est trop grande, mais j’en viens aussi à me demander si l’angle d’attaque qu’il prend avec moi est le bon ; on reste à du discours, à des abstractions, et rien de bien profond n’en sort, si ce n’est par intermittence, puisque ce n’est que du raisonnement ; peut-être parce que je ne veux pas : mais dans ce cas il ne parvient pas à m’acculer au pied du mur (ou à ce que je le sois moi-même). J’ai cette idée que la psychothérapie ne peut faire l’économie de la souffrance (on en a parlé à maintes reprises) ; peut-être j’ai tort. Et certains de mes petits tabous personnels me paraissent de peu d’intérêt dans la situation. Mis à part le fait qu’en parler me ferait mal — et de ce fait pourrait m’en libérer — ils ne sont jamais que des manifestations contingentes, à mon avis, des problèmes plus généraux qu’on essaie depuis le début de cerner, et de percer.

Avant de rentrer j’ai fait des courses (des lunettes de soleil et un jean noir), et dans un des magasins, j’ai perdu un bouquin de Sôseki que j’avais pris avec moi : mais vue l’heure, j’ai préféré laisser tomber, d’autant plus que je n’avais pas trop d’idée de l’endroit où j’ai pu le laisser ; peut-être à la caisse de Monoprix. Il faut que je finisse de lire le mémoire de Paul pour ce soir 9 heures, et même écrire ici est une entorse. Ça m’a fait chier, mais ça devait arriver : j’ai toujours un livre avec moi, et comme je suis distrait, je l’oublie souvent ; là, c’est la première fois que je ne vais pas le retrouver.