Dimanche, dernier jour du mois d’août (et donc demain début d’une nouvelle « saison »)

Pour occuper mon après-midi glandouilleuse une minute, je suis descendu chercher le courrier : je sais que le facteur ne passe pas le dimanche, mais comme je n’ai que des pubs dans la boîte, je le prends très irrégulièrement dans la semaine. Sauf que là, dissimulée au milieu des prospectus, il y avait une lettre de Laure, datant de quelques jours. Je ne sais pas bien ce que cette lettre veut, mis à part reprendre contact ; Laure y écrit qu’elle n’a pas aimé la dernière fois où on s’est vus, qu’elle a eu l’impression que quelque chose qui habitait nos rencontres précédentes avait cette fois disparu. Elle en assigne la cause au fait qu’on a couché ensemble — même si ça remonte maintenant à loin. Il n’y aurait plus eu ce désir, qui avant ne cessait de tarauder et en faisait peut-être le prix, puisque assouvi. Mais le reste est assez embrouillé, à la mesure de ce que la situation a produit en elle. C’est la première fois qu’elle évoque cet épisode de façon explicite, et la lire m’a excité. J’avais bien prévu, dès cette soirée de février, que ça risquait de rendre les choses compliquées en effet, que le fait d’avoir passé le pas modifierait nos relations, puisqu’il serait difficile de faire comme si de rien n’était : mais avec le temps c’est néanmoins la voie pour laquelle j’ai opté ; ce n’est pas satisfaisant, mais je n’ai pas eu le courage de faire autre chose. Finalement une lâcheté de plus. Il était évident qu’il y aurait moins de piquant à ne plus jouer comme on l’a fait des années au chat et à la souris, mais je pensais qu’on y trouverait quand même notre compte.

Sans doute était-ce une erreur d’occulter ce moment d’amour physique… Je suis content qu’elle en parle, même si ça ne simplifie rien, et même si encore une fois c’est moi qui suis à la traîne, à ne pas savoir oser. Elle m’aime déjà bien plus que ce que j’aurais jamais pensé… On s’est trop longtemps cachés l’un à l’autre : si tout ça avait pu éclater il y a cinq ans, on se seraient mis ensemble, d’une manière normale, et alors, advienne que pourra, comme pour tous les couples ! Maintenant ce n’est plus possible, quoiqu’elle continue d’être un grand fantasme. Je ne sais pas comment lui répondre. Elle dit qu’il eût été trop simple qu’on devienne amants… Mon irresponsabilité (puisque je ne suis pas prêt à en assumer toutes les conséquences possibles) me pousserait à le chercher pourtant ; mais il faut que je me sorte ça de la tête.

Voilà qu’il m’arrive enfin quelque chose, mais pas ce que j’aurais souhaité, évidemment.