Atmosphère agréable de la fin de matinée, à la fois ensoleillée et acide, aux couleurs encore sombres, où l’espace se creuse en profondeur sans cesser d’être accessible presque de la main : bretonne — en tout cas insituable dans une saison particulière. Elle me rappelle Méliniac autrefois, lorsque l’herbe était encore humide d’une rosée frisottant déjà en un léger brouillard d’un demi-pied au dessus du sol, et que j’accompagnais Grand-Père acheter des huîtres ; il portait une de ses indispensables vareuses rouille ou bleue, et marchait lentement à l’aide de sa canne. Voilà que je suis nostalgique de mon enfance… plutôt l’adolescence en l’occurrence. Profiter encore de ce qu’on peut ouvrir en grand la fenêtre sans geler.
Hier soir, après avoir révisé quelques pages de ma nouvelle (que je sens encore très perfectible, sans trop savoir comment), je suis sorti boire des bières à l’inévitable Saguaro sur l’invitation de Broerec. Après m’être un peu fait tirer l’oreille pour venir, j’étais content de le voir, je suis arrivé en souriant sans me forcer, et la soirée a été doucement volubile. J’étais content aussi de voir Karine, sa copine, très différente de moi, très douce, et que j’apprécie. La pauvre venait de se casser le bras l’après-midi en glissant sur le trottoir mouillé par la pluie. Elle est pourtant restée assez longtemps à discuter avec nous, et ils ont apporté de l’eau au moulin de mon texte, en s’étendant en anecdotes pas piquées des vers sur le coin de Châteaubriant, ses alcooliques qui se battent entre eux jusqu’au sang dans leur propre maison, ses fermes où les animaux vivent encore mélangés avec les humains dans les mêmes pièces : c’est banal de dire que la réalité dépasse souvent ce que la fiction raisonnable imagine, mais Sophie était vraiment loin du compte avec ce qu’elle racontait.
Lu hier avec plaisir et émotion la longue lettre de Clément arrivée jeudi ; j’en reparlerai plus tard, si je n’oublie pas.