Une de mes collègues (celle avec qui j’accroche le plus : elle me plaît même assez) est cousine de Marie Darieussecq, l’auteur de Truismes, un des best-sellers de la jeune littérature l’an dernier. Nous en avons parlé, après que j’en suis venu à dire que j’écrivais un peu. Aujourd’hui à la fin de notre journée, elle a fait un grand détour en voiture pour me rapprocher de chez moi, et elle m’a étonnamment parlé de sa famille de façon très libre ; elle n’est pourtant pas du tout de ces gens (ceux-là m’exaspèrent) dont on connaît toute la vie en détail au bout de cinq minutes, qui ne parlent que d’eux ; elle est très discrète au contraire. Une famille difficile, répressive et coincée, où tout peut devenir tabou. Elle affirme en avoir gardé de nombreuses traces, mais ça ne se voit pas pour ce que je la connais. Elle est charmante, je me sens à l’aise avec elle, et vais vers elle très spontanément. On a commencé à parler dès le premier jour, elle était intéressée par ce que je fais à la fac, et est allée au delà des questions que suggère en tel cas la plus élémentaire politesse. Peut-être parce que son copain est thésard lui aussi ; en droit. Il fallait bien qu’il y ait un hic quelque part.
D’effroyables massacres de civils sont perpétrés en Algérie pratiquement à la cadence d’un par jour. Les gens sont égorgés, étripés ; les attaquants les brûlent vifs dans leur maison qu’ils incendient (et souvent des femmes, des enfants ou des vieux). La technique est simple efficace : à la nuit tombée, les assaillants bouclent un quartier, entrent dans les maisons, et éliminent systématiquement les habitants. Je ne sais si les atrocités sont un plus pervers ou si elles sont partie intrinsèques d’un programme de terreur. Tout ça est tellement difficile à imaginer…. D’ici, on ne sait pas très bien qui sont les coupables ; on parle des Groupes Islamiques Armés, les GIA, mais je ne sais pas très bien qui c’est, ni quel but ils poursuivent. C’est difficile de saisir l’intérêt politique de telles exactions — peut-être est-ce l’humain plaisir de tuer qui finit par dominer ? Le plus sidérant est que personne autour ne semble prendre la mesure de ces atrocités, ni le gouvernement algérien, qui persiste à prétendre que les « terroristes » sont en voie d’élimination (visiblement leur cadavre bouge encore pas mal), ni les autres pays, qui se contentent de dire que tout ça est horrible : que fait-on dans ces cas-là ? Il se produit la même chose, dirait-on, que lors du génocide des Tutsis au Rwanda, ou que lors de certains épisodes particulièrement dramatiques de la guerre en Bosnie : à part des condamnations de pure forme, ça n’a pas l’air d’intéresser grand monde. J’ai peine à croire qu’il n’y ait aucun moyen de peser.