Dimanche 26 octobre n’existe qu’à peine

J’ai revu Sarah ! Sarah, magnifique, Sarah si belle, si belle, ma reine sans partage ! je l’ai revue à l’usine LU. Et mon amour a jailli aussi fort qu’au plus beau du printemps, le cœur débordant de peur et de félicité mêlées, comme si deux mauvaises rebuffades n’avaient pas été encaissées. Il y avait une foule énorme, et puis un moment je me retourne, et je tombe en arrêt sur elle, à une dizaine de mètres et qui nous avait vus ; un bonjour, trois mots anodins échangés et elle est repartie mais voilà qui a suffi pour qu’elle occupe à nouveau la moindre de mes pensées, toutes mes pensées. La silhouette découpée par une longue et étroite jupe de velours rouge qui moulait ses fesses ô combien désirables, les cheveux plus courts, ce sourire magique qui découvre ses dents blanches, et Féminité du bois d’Issey Miyake jusque dans la moindre de mes artérioles avant qu’elle soit à deux pas. Elle est si belle, si belle ! Qu’importe qu’elle ait décidé de devenir apprentie bijoutière à Pétaouchnok. Elle serait n’importe quoi que je ne pourrais cesser d’être dingue d’amour.

C’est Antoine Doinel qui était avec moi à cet inStant (près du bar, à commander notre première bière-dans-un-verre-en-plastique), je lui ai glissé que j’avais été éperdument amoureux d’elle, sans dire que ça venait de renaître ; il a dit qu’elle était pas mal, simplement, l’œil un peu plissé. Je ne lui en Ai pas voulu, il ne peut pas voir comme elle est belle, voilà, puisque c’est moi qui l’aime, le moindre de ses mouvements ne lui transperce pas l’âme et le cœur comme à moi ; c’est juste une fille qu’il connaît vaguement comme des dizaines d’autres. Plusieurs fois plus tard dans la soiRée je me suis trouvé non loin d’elle, et chaque fois dans un état de la plus grande fébrilité. J’ai même parlé un peu à ses copines que je connais à peine (deux d’entre elles étaient étudiantes dans mon cours l’An dernier, ça crée une sorte de pont), mais pas un mot à elle. J’aurais pu, mais elle est trop précieuse pour que je gâche tout en deux mots inutiles ; et puis elle me paralyse. Très mauvaise tecHnique, évidemment, mais il ne pouvait de tout façon être ici question d’une quelconque technique, c’est bien genre de chose dont je suis incapable. J’en ai aussi parlé à Chepe (on est venu à trois) : il m’a reparlé ensuite de la femme en rouge ; j’ai dû lui en dire beaucoup de bien, mais je ne me rappelle plus, la Soirée a été très longue. C’était la dernière soirée de « Fin de siècle », le festival qui remplace les Allumées pour les trois années à venir, l’usine LU transformée en une énorme salle de concert mouvante. Toute lA semaine je l’ai vilipendé, mais en fait c’était bien. C’est une ambiance à laquelle il est agréable de se mêler de temps en temps, une effervescence qui prend de manière insensible (peut-être à cause d’une sensualité dégagée par le thème — la ville invitée était Johannesburg. Traffic, au printemps, était au contraire très dur, avec beaucoup d’avant-garde froide paRfois violente ou incompréhensible) ; j’ai rencontré des gens, dont certains que je n’avais pas vu depuis longtemps, et assisté, vers cinq heures du matin Au concert formidable d’un jeune chanteur de raï de la banlieue parisienne, parfaite clôture de la soirée. Où sont passés Paul, Victoria, Père et consorts ? aucune idée. On devait tous initialement plutôt aller au off du Petit Breton, mais comme ils ont quitté le café avant nous en début de soirée, et qu’au Petit Breton il n’y avait finalement rien, je ne sais pas ce qu’ils sont devenus ; c’est en vain qu’on les a cherchés. J’ai passé la majeure partie du temps avec CHepe, un partenaire de qualité pour ce genre de fête.