Le destin, de Youssef Chahine, avec Chepe au Katorza, sur la figure d’Averroès. Un film à n’en pas douter généreux, courageux dans le contexte actuel du monde arabe, mais qui n’est pas très intéressant d’un point de vue formel, et en fait un peu trop. Toutes les scènes filmées de façon romantique, et les passages de comédie musicale (récurrents dans ce que je connais de son cinéma), sont sans doute faits pour toucher un large public, mais le film est quand même très didactique, la parabole transparente. Pour nous, il était souvent involontairement comique ; et s’il décrit bien les processus de séduction employés par l’intégrisme, et la barbarie que celui-ci peut employer au besoin, il élude trop les racines de ces mouvements, au profit de la défense d’un humanisme un peu pompeux, marqué par l’occidentalisme. L’Averroès de Chahine n’est ni plus ni moins qu’une figure nostalgique de l’intellectuel européanisé, qui n’est peut-être pas le seul modèle possible.
Ensuite au Saguaro déserté, où l’on est revenu sur nos années d’adolescence et nos petits désirs de révolte, période hippie-punk pour lui (il y a parfois de drôles de mélanges) au moment de la movida post-franquisme faisandé, curiste blafard pour moi, avec chacun notre exemplaire de Baudelaire ou Lautréamont dépassant de la poche du manteau. J’aime beaucoup Chepe, même si je ne le connais pas vraiment bien, et que nos conversations demeurent un peu formelles. Dans le plaisir d’être lié avec un étranger, il y a l’ouverture à d’autres mondes — même si l’Espagne n’est plus très différente d’ici et que Chepe est un étranger très francisé (mais reconnaître la proximité est partie intégrante du plaisir de la différence, plaisir sentimental).