Dans l’après-midi je me suis senti minable ; j’avais passé plusieurs heures pénibles sur les inutiles Essais sur la forme et le sens de Chomsky, puis m’étais épuisé en vain à créer un morceau à base de samples pour Marie-Charlotte : lorsque je n’y ai plus tenu, je me suis jeté sur mon lit, aux draps plus très propres, et qu’est-ce qui est venu reprendre possession de moi dans l’instant ? les mêmes doutes, la même certitude de mon insuffisance, les images de repli fœtal compagnes habituelles de mes endormissements, pleines de violence sourde et de froid ; l’angoisse de ne pas être à la hauteur, les complexes sexuels que je ne sais pas surmonter ; le refuge dans l’abandon entre les mains de qui veut bien.
Mais ensuite, alors que la nuit tombait déjà — et elle vient tôt maintenant qu’on a changé d’heure — il m’a fallu vite aller à Monoprix faire des courses, l’air froid m’a revigoré d’un coup, et je me suis à nouveau senti puissant.