Vu Hana bi. C’est très dur, malgré les nombreux gags ; pas tant pour les scènes de violences crues (beaucoup comptent parmi les moments les plus drôles — Kitano est un peu un Buster Keaton à pétoires, au jeu économe et hiératique, capable sans sourciller d’enfoncer d’un coup violent ses baguettes dans l’œil d’un type qui l’emmerde au restaurant, puis de partir comme si de rien n’était) que pour le sentiment de désespoir qui s’en dégage. Certains critiques ont parlé d’un hymne à la vie, mais ce que j’ai surtout vu, c’est un homme pris au piège, et qui sait très bien qu’il marche vers la mort. C’est une description sans ambage de la façon dont la société japonaise laisse tomber ceux qui sont diminués (comme l’inspecteur ami qui se retrouve paralysé), et de ce à quoi peut conduire le fait de se sentir responsable du sort des autres comme c’est le cas de Nishi, héros quasi muet du film, qui va jusqu’à braquer une banque pour les aider. Le visage très marqué de Kitano ajoute encore à la dimension dramatique : depuis un grave accident de moto il y a trois ans, un des côtés de son visage semble être resté paralysé, juste secoué parfois d’un rictus mécanique. Il y a d’ailleurs probablement une part autobiographique (liée à la présence constante des peintures qu’il avait réalisées lors de sa longue convalescence), mais qu’il n’est pas simple d’élucider.