Lundi 24 novembre

Entre dimanche et ce soir, j’ai regardé No Smoking et Smoking d’Alain Resnais, que diffusait Arte. Ça me plaît toujours autant. On finit par entrer tellement dedans qu’on oublie vraiment que tous les personnages sont joués par les seuls Pierre Arditi et Sabine Azéma ; ils parviennent à créer quelque chose d’assez fort pour qu’on ne pense plus à eux malgré « leur » présence constante — enfin surtout pour les personnages qui sortent le plus de leur type d’emploi le plus habituel (dans les films avec eux que j’ai vus en tout cas) : j’ai parfois fini par me dire « Tiens, ça fait longtemps qu’on n’a pas vu Pierre Arditi ». J’aime beaucoup cette idée de jeu sur les possibles. C’est avant tout très drôle. Mais au-delà des destinées différentes que donnent aux personnages le fait de dire telle ou telle chose, de faire tel ou tel choix[1], ils ne changent guère dans le fond : Miles Coombes est toujours un idéaliste dépassé par les événements, Toby Teasdale un alcoolique désabusé, Rowena Coombes une nymphette ou Lionel Happelwick un fumeux un peu borné. C’est tout à fait (et malheureusement) la conception que j’ai des choses ; il y a des écarts imprévisibles, mais qui ne modifient qu’assez peu, ou de manière trop insensible, la ligne directrice générale. Je n’ai par exemple pas l’impression qu’il pourrait m’arriver quoi que ce soit d’assez déterminant pour changer toute ma vie et me changer moi. — Puisque c’est toujours de moi que je finis par parler.

[1] Choix formalisés dans un cadre aussi serré et clair que les décors ou la ligne des cartons de Floc’h qui ponctuent les séquences.

Weekend à Méliniac, autrement, sans éclat particulier. Mis à part quand les petits livres sur le zen que j’avais apportés nous ont poussés à composer des haiku comme des forcenés sur la plage — avec la contrainte de respecter la structure syllabique en 5-7-5 qu’ils ont en japonais. Mais toute flamme s’éteint vite. Pourtant la journée de samedi avec Georges, passée à déménager des meubles de la rue Félibien entre Mormaison en Vendée, chez la grand-mère de Xavier, Nantes, et la maison de Méliniac, agréable et joyeuse, m’avait laissé présager mieux. En ce moment c’est souvent avec lui que je m’entends le mieux ; il a raison, le célibat nous a un peu conduit à recréer un couple — fait de deux frères, qui réussissent de temps en temps à être copains comme cochons.