Vendredi 12 décembre

Je ne me suis endormi qu’à six heures du matin, comme Sonia est venue coucher chez moi, j’ai dormi ensuite une partie de l’après-midi, et je ne voulais pas sortir ce soir. Ou alors pas longtemps (encore plus difficile que les autres jours de refuser de sortir le weekend). Je comptais écrire, j’ai beaucoup de retard — ce que vous venez de lire en date du 11 n’est pas encore écrit à l’heure où je tape ces lignes. Comme ça arrive, il y a en ce moment pas mal de décalage dans ces notes : c’est nuisible à leur intérêt (ainsi qu’à leur précision : je suis à la fois plus loin du sentiment produit par l’événement, et plus loin du schéma stylistique qui me naît en général sur le moment, et que le temps me fait un peu oublier si je ne l’ai pas tout de suite développé). Mais après être allé voir Adeline et ses deux loupiots à la maternité avec Georges, on est passé chez Coline et Loïc, et je me suis fait avoir, évidemment. Après être passé à Monoprix acheter à boire, on a :

— joué au Cluedo,

— imaginé une nouvelle garde-robe pour Joris, qui est assez mal habillé par rapport à ce qu’il est (en partie parce qu’il s’en fout et pense que ce qui compte est « ce qu’on est vraiment » — mais pour moi il s’agit d’un tout indissociable, et sa manière de voir les choses ne me paraît pas innocente),

— évoqué longuement le cas d’Adalard, que Joris déteste parce qu’il ne le voit qu’en hâbleur vain, faux et en raté, mais que Loïc et moi considérons, sans être dupe non plus, comme une sorte de héros de roman : pour nous, il joue moins à être quelque chose (un artiste — tout le monde sait qu’il n’en est pas un) que, naturellement, il est de ne pas être. D’où la fascination qu’il exerce sur moi, mais dont je ne vois pas, contrairement à ce que clame Joris, en quoi elle serait le signe d’un pouvoir aliénant qu’il aurait sur moi.