Jeudi 19 mars 98, Nantes

Pas très original, à nouveau soirée au Saguaro « avec de gros gars » (dixit Ermold le Noir une lueur de connivence dans l’œil), et qui s’est éternisée. Au début Paul et lui m’ont poussé à parler « de mon journal » — de ces « notes », donc ; j’ai dit que je ne les ferai probablement pas lire avant ma mort : on verra. Mine de rien, le sujet avait l’air de les intéresser. Le Journal de Piotr Stépanovitch, mon projet sur ce thème, trouve de nouveaux aliments. Fin sur une tonalité différente. Minotaure parlait d’une manière beaucoup plus libre et personnelle qu’à l’habitude avec Broerec et un de ses copains (il ne se cachait sous aucun de ses masques), et Marie-Charlotte s’est confiée à moi avec insistance. Elle s’est longuement étendue, même si en termes voilés, sur les déceptions de sa relation amoureuse. Elle est malheureuse, et ne sait pas quoi faire. C’était poignant, cette quête ratée du bonheur, et je l’ai sentie près de craquer — ce n’est après tout pas pour rien qu’elle avait trop bu, ni qu’elle est restée après qu’il soit parti. Elle semblait pour une fois perdue. Mais quoi faire pour l’aider ?

À la sortie du bar elle a même demandé à Broerec de ramener sa voiture, elle ne se sentait pas en état de conduire ; et j’ai dû un peu me fâcher : elle craignait que je ne répète ses confidences.