Dimanche 3 mai 1998, Nantes

Il fait encore assez froid pour un début mai. Aujourd’hui, j’aurai écrit une lettre de quatre pages serrées à Madeleine, c’est à peu près tout. J’ai espéré être malade pour ne pas aller travailler demain, mais c’est raté. Dans l’après-midi, j’ai voulu essayer la chemise et le gilet que j’ai achetés samedi en compagnie de Joris — pour être un peu sapé au mariage de Clément — avec ma redingote noire, mais impossible de remettre la main dessus, elle est restée chez les parents : ça m’a énervé. J’ai fini par en faire la sieste. Je me suis aussi masturbé, il faut bien diminuer la tension sexuelle d’une manière ou d’une autre. C’est que je ne suis pas encore remis de vendredi soir, vu qu’hier on s’est encore couchés tard en ayant bu. Ce n’était pas le but ; mais après avoir longtemps traîné à Paridis, monstrueux enfer moderne, bruyant et constamment populacier, pour acheter des fringues, on est allé à Casson voir Fred, qu’Adeline, en week-end à Paris, avait laissée seul avec Harpo et Groucho (et éventuellement lui donner un coup de main, mais on n’a rien fait de particulier : il faut dire qu’ils ne donnent pas beaucoup de tracas). J’étais tellement content de ce que je venais d’acheter que dans la voiture, je me suis changé pour mettre mes deux autres nouveaux trucs : une chemisette à carreaux avec un grand col évasé sur le devant, bleue claire, et un pull noir à col en V, assez court et tombant droit[1]. La chemisette, il y a six mois encore, j’aurais ri à la seule idée de l’acheter. Mais je me suis tout de suite senti plus beau, et la vie m’a semblé facile : il ne faut pas grand-chose. On ne devait rester qu’un peu, mais Fred nous a conviés à un Risk, et tout s’est terminé en sifflant du Paddy à une heure du matin, avec aussi Paul, Père et Marie-Anne, Arnaud et son copain Eric Bernier, que je n’avais pas vu depuis une éternité.

 

Vendredi soir, donc, fête pour mon anniversaire chez Joris. J’avais passé l’après-midi à faire un cake aux olives et aux lardons et un monceau de petites gougères au fromage ; j’ai craint que ce soit totalement disproportionné, puisque j’avais surtout invité des répondeurs, mais pas mal de gens sont venus finalement — reste que j’ai été vite bourré, avec les punchs que Joris et moi nous sommes enfilés en attendant qu’ils arrivent : une saloperie, cette boisson, on la siffle sans s’en rendre compte (il faut dire que Joris, qui l’avait fait, est un spécialiste des préparations un peu raides). Victoria est passée, ce qui m’a fait plaisir, mais Paul non, il était encore à Paris, non plus que Marie-Charlotte et Ermold : ça m’a déçu. Cela dit, l’appart de Joris est petit, et on était bien assez pour que la soirée soit bonne ; assez excitée — j’ai joyeusement débité un monceau de conneries. Au moment où on sortait de son immeuble, Joris (saoul lui aussi) nous a balancé une bassine d’eau du quatrième étage, qui est tombée sur Cathy : ça n’a pas semblé du tout l’amuser, elle est partie comme une furie. C’était pourtant drôle.

[1] Le mieux est de laisser la chemise dépasser en dessous : le top du moment (ce qui revient à faire comme lorsque j’étais Curiste, époque à laquelle rentrer les pans de sa chemise dans son pantalon me paraissait la plus grande absurdité qui soit) ; seulement, ça fait quelques temps déjà que Loïc et Jérôme, toujours plus branchés s’habillent comme ça — je « rattrape », mais je suis toujours un peu à la traîne.