Dimanche 10 mai 98, Nantes

Agréable soirée hier, pour elle-même, et pour ce qu’elle a rappelé de naguère. D’abord, à l’issue de sa répétition avec Paul, dîné chez Joris avec Loïc et Philippe ; discussion sur l’art, en particulier la musique, d’un très bon niveau, comme toujours lorsque Loïc est là (il a descendu en flammes Yann Tiersen, dont il estime que les disques n’ont strictement aucun intérêt[1], qu’ils ont déjà été entendus mille fois en mieux — bref, que c’est de la musique avec des instruments classiques faite pour ceux pour ceux qui n’en ont jamais écouté : simplette) ; enchaîné par une terrasse au Bouffay, où la conversation a porté en particulier sur les fringues absolument in qu’il porte avec le plus grand naturel. Ensuite, arrivée inopinée d’Audrey accompagnée de :

Sarah,

souriante ;

quelques mots échangés, mais elles ne se sont pas

assises à notre table.

C’était la première journée d’été de l’année, et jeudi, on était encore presque en hiver, une brusque transition qui semble tout tournebouler ;

l’air chargé d’une douce volupté électrique

Je n’ai pas senti mon cœur battre plus vite, malgré une gêne passagère (peut-être n’ai-je pas voulu lui en laisser le loisir : je ne crois pas qu’il s’agisse de ça cependant, j’ai dû tourner cette page).

Moment propice aux rencontres : en quittant le café à deux heures, croisé la bande de Mathieux, puis plusieurs filles que Joris et moi connaissons de manière séparée ; parlé dix minutes avec l’une d’elle, dont je n’arrive pas à me rappeler le prénom (je suis nul pour ça).

Un soir où tout le monde se connaît.

Paul a l’air finalement très in love, et Mathieux a une petite amie depuis une semaine (il était venu avec elle à mon anniversaire). C’est la fête, quoi. Et moi, je ne me sens peut-être pas encore de taille à manger le monde entier, mais léger et détaché, oui.

Continuer d’adopter cette attitude.

[1] Sa conception de l’art est exigeante, et il fait une différence fondamentale avec le divertissement ; l’art doit être capable de changer la vie de qui est réceptif. Je suis d’accord avec lui ; mais faire le tri entre ce qui en relève et ce qui n’en relève pas est un acte politique. Si on se place d’un point de vue plus dégagé — mes obsessions me reprennent — je doute que ce soit si facile.