Hier, passage à la fac, pour m’inscrire, avant d’aller voir le premier spectacle de notre abonnement dans la soirée. À la fac, je m’y sens toujours un étranger. Je crois que c’est définitif, trop de temps déjà que j’y suis étudiant pour que ça change. Mais c’est tout de même désagréable. Et ça ne risque pas de contribuer à tuer cette image de loser qui me colle à la peau malgré moi auprès de trop de gens (dont ce salaud de Joris). Ensuite passé deux heures seul à glander dans un café moche de ce quartier moche, où il faisait froid ; essayé d’avancer la lecture de Bachelard, mais j’en retire peu.
Théâtre : une pièce de François Tanguy, recommandée parce que c’est une personnalité du milieu. Intéressante ; un peu chiante aussi, il faut bien le dire. Un montage de textes plus ou moins en rapport avec le thème d’Orphée, ou avec la vision qu’en a François Tanguy, parfois peu compréhensibles, vu que les passages de Kleist, par exemple, étaient en allemand (une belle langue, vraiment), et ceux de Shakespeare en anglais ; peu compréhensibles, et même souvent peu saisissables, tant les voix des acteurs étaient parfois submergées par les bruits tonitruants et la musique de la bande son (par moment nous assourdissaient des bruits de décollage d’avion sans qu’on sache bien au début si ce n’étaient pas ceux de l’aéroport tout proche. Qu’ils aient été inclus dans la bande témoigne sans doute d’une réflexion sur les particularités et contraintes de l’environnement dans le travail, et leur intégration au résultat, à la manière de ce que font aujourd’hui de nombreux plasticiens, qui construisent leurs interventions en relation directe avec le lieu où elles sont présentées). Celui qui croyait avoir affaire à un théâtre de texte ne pouvait qu’être irrité. Mais l’essentiel n’était pas là — du moins le texte n’avait pas plus d’importance que le son, que la lumière, le décor, les mouvements des comédiens : bref, l’espace. Et c’est ça surtout qui m’a intéressé, ce rapprochement du théâtre avec la danse, et en tout cas d’un art d’habiter humainement l’espace, pour le dire vite. Art de créer un lieu et de lui insuffler une vie, qui n’est pas un lieu réel tout en étant tangible. Là réside sans doute une des magies irréductibles de la représentation.
Plutôt que de sortir ce soir, je suis finalement resté à lire Pollock, en écoutant des enregistrements de Rachmaninov (je crois qu’il n’est pas considéré comme un très grand compositeur, mais j’aime vraiment) et de Tchaïkovsky, un verre de Porto à la main. Je ne suis pas bien sûr de moi, mais j’ai l’impression que la plupart des raisonnements de la grammaire générative sont d’une parfaite circularité ; de deux arguments liés, à quelques lignes d’intervalles, l’un est tantôt la cause, tantôt l’effet de l’autre. Et les explications relèvent souvent d’une ingéniosité trop incroyable pour n’être pas suspectes (au-delà du fait évident qu’elle cherche à expliquer le sens par le sens)