Vendredi 28 mai 1999, Nantes. 1

« Pauvre Sonia ! » a été la conclusion du docteur Moreau aujourd’hui… Il a malheureusement raison. Je ne prends aucun plaisir à la faire souffrir si elle souffre ; mais je n’aurai pas le courage de cesser tout commerce avec elle avant que le temps, simplement, ne m’en donne l’occasion. Lâche ; comme tant d’autres (ce qui ne constitue pas une excuse).

Hier soir à Rennes au TNB avec Joris, pour voir la dernière pièce de notre abonnement cette année : on avait choisi un truc de Jérôme Deschamps et Macha Makéieff, pour voir. Le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas très convaincant. J’ai toujours eu un problème avec les Deschiens, avec cette représentation pathétique qu’ils donnent des pauvres ou des simples d’esprit (et n’y a-t-il pas tendance à amalgamer, lorsqu’on voit leurs prestations ?), mais je ne m’étendrai pas plus là-dessus aujourd’hui. On ne peut pas nier que leur spectacle était assez drôle ; mais il ne l’était à mon avis qu’assez : je n’ai pas tant ri que ça. Il y a, à mon avis (à l’évidence pas celui de la salle), quelques moments marrants, des détails, des gimmicks répétitifs, mais à peu de choses près, ça reste tout de même du théâtre de boulevard revisité, avec des situations éculées, des trucs un peu trop grossiers, et un canevas mince pour lier ce qui ressemble plus à une suite de sketchs. Et le problème est que la plupart des comédiens cabotinent à mort : ça casse tout l’effet que peuvent produire les idées comiques. On a vraiment l’impression, à trop d’endroits, qu’ils sont en roue libre. C’est un théâtre de types ; on peut toujours prétendre que ça remet à l’honneur une tradition ancienne du théâtre populaire, mais un argument d’origine ne peut rien justifier. Ils n’ont du reste pas tellement d’efforts à faire, le public est conquis d’avance, il se marre avant même que les comédiens aient fait quoi que ce soit (surtout, évidemment, ceux qui sont connus par leurs passages à la télé : ça marche d’ailleurs mieux là, où les séquences sont courtes, et évitent la dilution, où le dispositif est immuable et relativement abstrait). Puisque je suis snob comme un pou, c’est d’ailleurs peut-être ça qui m’a gêné le plus, les rires à tout propos, et les applaudissements nourris après chaque « morceau de bravoure ». J’avais l’impression d’être à une émission comique à la télé : ce qui n’a rien de réjouissant. Le décor n’était pas mal, autrement.

Après la pièce, vu Sylvette au bar du TNB (riche idée, qu’il y ait un bar dans le bâtiment du théâtre) ; elle parle de venir vivre à Nantes l’an prochain : voilà qui fait plaisir.