Mardi 6 juillet 1999, Nantes

Lu Ubik, de Philip K. Dick, que j’avais emprunté à Papa dimanche soir en revenant de chez Xavier et Claire ; dans une belle collection aux couvertures argentées brillantes, estampillée seventies à mort. C’est un roman fou, d’une complexité peu commune, et où on ne sait jamais très bien comment retomber sur ses pieds — retomber dans la réalité. Magistrale illustration de ce que le récit ne l’est justement pas. Ici tout flotte, tout se retourne sans cesse, l’explication n’est jamais sûre, jamais définitive — et dans un univers tellement aberrant qu’il n’est même pas la peine d’essayer de la saisir de façon « rationnelle », carrée. C’est l’aboutissement, en quelque sorte, du roman à suspense et à rebondissements incongrus (ce que, dans un genre très différent, pratique également Lewis Trondheim dans ses recueils des aventures de Lapinot, et que le roman-feuilleton du siècle dernier pratiquait déjà avec un certain bonheur — une preuve qu’il n’était pas si stupide que ça, avec son non-réalisme ébouriffant ; seulement aura-t-il fallu longtemps pour qu’on puisse s’en rendre compte) ; le récit génère lui-même sa propre « réalité », sans forcément chercher à la rattacher à celle qu’on appelle communément « la nôtre » — communément, mais, donc, pas forcément avec justesse.

Autrement, rien fait. Dans la rue, juste en bas de mes fenêtres, des ouvriers ont commencé à découper à nouveau la route à la scie circulaire et au marteau-piqueur géant : inutile d’espérer pouvoir travailler, surtout sans motivation. J’ai plutôt fait les carreaux, avec Kraftwerk à fond — d’abord pour tenter de couvrir un peu le vacarme des machines-outils. Un album que j’ai découvert à la FNAC à 31F : je n’allais pas laisser passer l’occasion. Il date de 70, et c’est tout à fait différent de ce que le groupe a fait par la suite ; entre le rock psychédélique avec orgue et les expérimentations électroacoustiques sauvages. J’attends Joris, qui doit passer me prendre pour que je les conduise à Méliniac, Stéphanie et lui. Je resterai sans doute dîner.