Samedi 15 janvier 2000, Nantes

Réveillé tard, avec la nette impression de n’avoir pas été à la hauteur hier soir — de ne pas l’être en général : trop fermé. Pensé que j’allais y remédier — ce que je ne ferai probablement pas, par manque de courage, et aussi parce que je ne sais pas comment faire (le terrain est prêt, comptons que ça se fasse naturellement, sans que je m’en rende compte : c’est bien ce que j’espère en continuant d’aller chez le docteur Moreau). Fait les courses et la cuisine, en grignotant pour le repas de midi. Concert de Dead Language / Unfinished Process au Violon dingue plein comme un œuf (dans la mouvance minimaliste et très lente des groupes américains du style Low ou Aerial M ; bien maîtrisé — sauf la voix. Aymeric n’est pas un chanteur. Mais quel nom, pour commencer !). Florence est venue, dans un petit manteau blanc cassé très cintré, en compagnie de Loïc et Coline, plus sa fille et le père de celle-ci. Je n’ai pas su comment l’aborder, et j’ai d’abord fait celui qui ne l’avais pas vue. Puis lorsque j’ai osé, j’ai appris qu’ils allaient au Pannonica : évidemment décidé de les suivre. Je serais allé même à un concert de zouk. Elle m’avait écrit, m’a-t-elle dit, pour expliquer qu’elle ne pourrait pas y aller vendredi, mais à cause de la grève de la Poste, je n’ai rien reçu. Passé tout le concert ensemble, à se parler à l’oreille, très proches l’un de l’autre. Radulphe, qui observait notre manège m’a jeté l’air narquois mais encourageant, un verre de bière à la main, « la dernière femme qui m’a regardé comme ça, c’était ma mère ». Traîné jusqu’après la fermeture dans la salle — je me suis senti nerveux : elle discutait avec le clavier des Rabbits et sa copine, que je ne connais que de vue du Flesselles, et qui m’impressionnent à cause du statut que je leur fantasme[1]. Puis, à mon grand soulagement, chez moi : je craignais qu’elle veuille rentrer (je me proposais déjà de la raccompagner), ou qu’elle trouve que ça faisait trop loin, mais elle n’a pas peur de marcher, a-t-elle affirmé de son petit ton résolu ; et en fait, c’est elle qui l’a proposé, qu’on aille chez moi. Mon seul désir était nous ne nous quittions pas, mais sans savoir comment le lui suggérer — sans en avoir le courage. Je lui ai proposé un thé, puis discuté jusqu’à neuf heures et demie du matin, sans pouvoir nous séparer, et se découvrant (ricanez !) tous les points communs du monde, et terminé par un café à Talensac, passant pour rejoindre la place par le cimetière de Miséricorde (il faisait froid : une journée acide et vive d’hiver ensoleillé), le corps tout de même vidé de fatigue. Je me suis retrouvé seul après midi seulement, cotonneux. Une nuit comme il ne m’en était jamais arrivé. Tout le temps que nous étions ensemble, je n’arrivais pas vraiment à y croire. Et encore m’aurait-elle bien invité à déjeuner ; il y avait une ou deux choses qui rendait ça difficile, m’a-t-elle dit, mais il aurait suffi de peu d’insistance de ma part pour que ces difficultés tombent. J’étais trop fatigué ; et j’avais envie d’être seul un moment pour que mon esprit décante ces événements.

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« Une fausse main

de singe avec des Playmobils collés sur les doigts »

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[1] Et la fille est très belle. Je me souviens très bien du soir où, à la Bite Génération, Adalard et moi avions parlé d’elle comme de la plus belle fille de Nantes. Enfin j’en ai déjà parlé je crois.