À Saint-Nazaire en début d’après-midi pour la surveillance de mon partiel ; très beau temps. Ce soir, je devais travailler, puisque j’ai convenu avec Florence de ne pas la voir pour ça, mais je n’ai pas résisté à l’assoupissement, alors que j’écoutais la radio. Puis Florence a téléphoné, et la conversation ne s’est pas bien passée : je crois malheureusement que je suis déjà fatigué d’elle ; je ne ressens déjà plus guère de cette passion — dès lors sans doute factice — que j’ai ressenti les premiers jours ; et je lui vois moins de mystère. Elle est surtout chiante et capricieuse en fait. Lisant cela, vous pouvez vous douter que la relation n’ira pas loin ; elle se clora peut-être demain… mais en même temps, ça me chagrine à mourir. Je voudrais que ça marche ! Travaillé un peu pendant la soirée, restant sourds aux appels avinés de Broerec et Ermold qui sortaient du Flesselles ; mais le remord m’a torturé, et je n’ai eu de cesse jusqu’à ce que j’aie eu à nouveau Florence, et que je lui aie proposé (à sa grande joie) de venir dormir avec elle vers minuit. Entre-temps, il faut dire, pour ne rien arranger, j’avais lu la lettre qu’elle m’avait dit avoir déposée dans ma boîte au moment où je sommeillais dans mon fauteuil — complexe et tendre, à laquelle elle joignait le résultat négatif de son test de dépistage. Court moment passé ensemble avant qu’elle ne sombre dans le sommeil. Les choses sont compliquées : si je ne me sens pas toujours bien impliqué dans la relation, j’ai pris un plaisir sans mélange à m’allonger contre elle et à la serrer dans mes bras (chose que je n’ai jamais pu faire avec Sonia) — nous n’avons pas fait l’amour.
Je ne sais vraiment pas ce qu’il pourra en être… j’aimerais que nous restions ensemble, mais elle est tant désireuse d’enfant que je ne peux pas dire si je serai capable de m’engager pour ça. Peut-être en suis-je arrivé au moment où il me faut choisir, entre une vie « d’adulte » (avec des modalités encore à définir — et mon angoisse peut pour partie venir de là, de la crainte de me faire enliser dans un genre de vie qui ne me conviendrait pas), et la vie « de bohème » que j’ai connue ces dernières années, qui n’a pas non plus que des avantages, ces notes en ont été le témoin suffisant. On peut encore estimer que si je suis prêt pour le saut, Florence n’est pas la personne avec qui je pourrais le faire : c’est possible. Mais j’ai aussi dû évoluer ces dernières années, et (peut-être sous l’influence d’Ermold), et je ne sais plus trop croire à l’amour romantique ; je sais qu’on se fatigue, qu’on est rattrapé par sa propre complexité. « L’amour vrai » en ce sens ne peut être qu’une forclusion de l’autre ; c’est un rêve narcissiquement impérialiste, ou bien paranoïaque. À moins que seules des âmes simples, telle Céleste, soient, par leur qualité particulière, en mesure de le vivre. Pour les autres, il n’est vite qu’une illusion, après le feu de paille — ce qui n’est pas une raison pour le faire déception, si cette évolution est inéluctable.