Je me suis échappé de la fête chez Bohémond et Gretschen à la faveur d’un tournement de dos d’Ermold le Noir vers Radulphe et Broerec ; ça a pu passer pour une disparition vers les chiottes, et le temps qu’ils repensent à moi s’ils y pensent, il sera trop tard. Quelle merde que de se retrouver traîné là-dedans ! J’avais espéré y échapper un peu plus tôt en accélérant le pas sur la route, mais Ermold et Jolicœur sont venus sonner à ma porte pour me faire redescendre. Résultat, j’ai échangé trois propos foireux avec des musiciens et un « poète » et bu deux bières. Ce genre de soirées bidon où on passe son temps à boire (je n’en nie pas l’intérêt en général cela dit ; on a parfois – trop souvent – besoin de ça). En plus j’avais « déjà pas mal bu » — et fumé. Parce qu’avant ça (sinon je n’y serais jamais allé), réunion du collectif chez Ermold — où il n’y avait pas la moitié des assos parce que je ne les avais pas prévenues ; j’ai eu beau parler de chaîne, ou de relais qui n’avait pas fonctionnés, un peu comme les fonctionnaires allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale pour se décharger de leur responsabilité, je ne l’avais effectivement pas fait : mais parce que je n’en avais rien à foutre. De toute la réunion, de toute façon, je n’ai rien dit, j’étais à côté : à penser à ma thèse, et à ce que c’était loin d’être gagné, et qu’il ne fallait donc pas compter sur moi pour quoi que ce soit l’an prochain. Ça va être difficile à faire avaler, mais ce sera comme ça. Là, vraiment, la vidéo, le web-art, la musique expérimentale ou je-ne-sais-quoi, c’est loin de mes préoccupations. J’ai donc bu et fumé dans mon coin sans ouvrir la bouche — ce qui a été remarqué. C’est que d’habitude je dois l’ouvrir (c’est le genre de truc dont je ne me rends absolument pas compte. J’ai même l’impression d’être discret — c’est ma nature à moins que je sois en terrain bien balisé, et en plus, tout ça ne m’intéresse qu’assez moyennement comme j’ai dit. Je ne sais d’ailleurs pas trop ce qui m’intéresse. Ce qui me construira, malgré mon âge avancé. Et je ne sais pas encore ce que c’est. J’espère que ce sera plutôt la musique ou la littérature). Donc à nouveau une putain de sale journée.
Elle avait plutôt bien commencé pourtant, je me suis aventuré pour la première fois de ma vie dans un magasin de bouffe asiatique (celui de la place du Bouffay, parce que Joris me l’avait conseillé, et Florence est passée en début d’après-midi. Simplement pour me demander si j’avais de quoi réparer le talon de sa chaussure qui s’était cassé (du scotch et du gaffer), mais j’étais tout de même content de la voir. Lorsque la sonnette a retenti, je pensais tellement peu que ça pouvait être elle que j’ai failli ne pas descendre — même si j’ai vraiment du mal à faire le mort ; il y a une sorte de réflexe qui me fait ouvrir la porte ou décrocher le téléphone avant que j’aie pu avoir le moindre mouvement de retrait. Parfois ça vaut le coup, mais combien de fois ai-je dû me taper des gens (même des amis) que je n’avais pas envie de voir ? Là, j’étais content, même de la voir en coup de vent, et même si je sais que c’était totalement utilitariste de sa part. Cette semaine, je me suis plusieurs fois fait la remarque que je n’avais pas pensé à elle de la journée — et le faire était alors très abstrait. Je sais bien que nous n’aurons bientôt plus rien à échanger, que la fascination aura tout à fait disparu. Mais de toute façon, je ne suis pour le moment pas du tout dans ce style de pensée [Vous ne pouvez pas savoir comment ça m’a fait chier lorsqu’Ermold, puis les deux autres, m’ont demandé de leur petit air gourmand et ironique si mon absence d’hier soir dans les bars n’étais pas justifiée par le fait que j’« escaladais une grande Anglaise »…].). La journée ne partait donc pas sur de trop mauvaises bases : mais ensuite, j’en ai chié comme un Russe sur cette putain de thèse — plusieurs fois, je me suis même couché, de désespoir, tellement je n’arrivais pas à bout des problèmes qui se posaient : au final, j’ai bien dû réviser (et mal encore) un paragraphe des pages sur lesquelles je suis depuis deux ou trois mois ; et ensuite, j’ai pété ma souris. Donc ordinateur hors d’usage, ou peu s’en faut jusqu’à ce que je puisse en racheter une : pas avant lundi. Et par là-dessus, ça s’est passé au moment où je me battais avec la page de mail de mon nouveau provider. Je viens de changer Club-internet pour Worldonline parce que le premier ne me permettait pas de prendre, depuis mon abonnement précédent, celui qui est le plus intéressant de leur gamme, mais le nouveau est carrément moins bien, il me fait des couilles à tout bout de champ, et ça me fait trop chier de passer du temps là-dessus — déjà qu’internet ne m’intéresse pour le moment que très moyennement (à part des sites de cul qui finissent eux aussi par être emmerdants, je n’ai encore rien trouvé qui vaille bien le coup). L’informatique domestique, c’est la merde dès qu’on ne maîtrise pas les arcanes des logiciels. J’en ai marre, il faudrait changer de vie, laisser tomber tout ce merdier, partir, faire autre chose. Il ne m’arrivera jamais rien de bon dans le milieu où je traîne actuellement. Je suis fiché comme loser, et tout me pousse à le rester. Sauf que je n’ai pas envie de servir de caution à la lositude des autres.