Mercredi 9 août 2000, Nantes

Forte chaleur (front en sueur au bout de quelques mouvements à peine). Dormi presque toute la journée. Donc très peu travaillé : une heure, guère plus, entre six et huit heures. Tapé quelques idées pour le plan de la suite, rien de transcendant — mais ça ne m’inquiète pas encore trop : les débuts sont toujours très laborieux, et comme je pense (pour le moment) essayer de mener en parallèle tout le travail qui me reste à faire, c’est forcément d’assez vaste ampleur.

Puis emmené Joris chez Jolicœur qui faisait un apéro pour fêter la sortie du nouveau numéro de sa revue. Peu de gens, mais une ambiance sympa, alimentée à coup de vin blanc. Discuté très peu de la revue, mais du voyage de Radulphe à Tôkyô, de quelques connards qu’on connaît (descendre les gens, surtout lorsqu’ils ne sont pas là, c’est quelque chose qu’on aime bien), et de musique avec Grete, la copine de Bohémond — elle est gentille, mais elle me fait toujours bien rire avec son « groupe ». Un de ses copains lui avait un petit appareil amusant, un pad d’effets tactile : avec un petit écran réactif sur lequel on peut faire varier les effets sélectionnés par touché — et qui peut servir à modifier en direct de la musique si on branche une chaîne dessus. Un bon petit truc pour les DJs. Si je me mets à faire du sample un peu sérieusement lorsque j’aurai fini, j’achèterai bien ça. Je suis loin d’avoir essayé tous les logiciels de son, mais pour ceux que je connais, le problème est le manque d’organicité : tout se passe par calculs, courbes, paramètres, ça manque d’intervention en direct — alors que pour modifier des sons, c’est quand même ça le plus intéressant. En plus, cette machine ne coûte pas un prix excessif : dans les 2000 F.

Terminé en terrasse du 13&3. Discuté un moment avec Alex et Séverine, qui reviennent de Madagascar, et que Joris a rejoints (sur le tourisme et le sentiment d’être européen à l’étranger ; sur le fait que l’exotisme est aujourd’hui toujours un peu frelaté[1] — discuter avec Alex est à chaque fois intéressant, c’est quelqu’un de très intelligent) ; puis avec ma bande, à laquelle se sont jointes Sylvia et Lorraine. Lorraine, hiératique comme toujours, très belle, portant une robe blouse moulante en coton d’un rouge vif, avec des petites chaussures à boucles sans talon qui m’ont fait très fort penser à Florence[2] (nostalgie), et avec lesquelles elle jouait du bout du pied. Sylvia, presque nue tant sa robe était légère. Elle n’est pas formidable, mais je l’ai trouvée bandante ; je pourrais la draguer. Broerec était souvent pensif, comme on le voit régulièrement depuis un certain temps. Beaucoup daubé sur Ermold, puisqu’il n’était pas là — sa capacité à fabuler à propos de tout et n’importe quoi, seul moyen qu’il ait trouvé de rendre la vie moins emmerdante (selon ses propres dires — il ne raconterait pas ça à tout le monde, mais nous sommes suffisamment proches pour que je le sache), et sur le fait que c’est un moulin à paroles infernal. Il paraît que ce matin, après être allé jusqu’au bourg de Saint-Lyphard à vélo, il a vomi sur la place de l’église — preuve qu’il avait vraiment trop bu hier soir, même si je trouve étonnant de sa part qu’il ait pu aller jusqu’à en vomir. Ils m’ont aussi poussé à parler de ma thèse, ce que je ne fais que de très mauvais gré. A tort, puisque, même dans le cadre d’une conversation de bar, ça avait l’air de les intéresser — voire de les impressionner : alors que, pour moi, il n’y a pas vraiment de quoi (il est vrai que j’en vois surtout les mauvais côtés). Une bonne soirée. Je pensais naïvement pouvoir travailler en août parce que je me retrouverais seul à Nantes, mais il y a en fait encore tout un tas de monde, quasiment autant que dans l’année : donc autant d’occasions de sortir.

[1] Même si mon point de vue n’est pas des plus informés parce que je voyage très peu, il y a longtemps que je pense que les voyages lointains sont un plaisir bourgeois (selon l’expression consacrée par Paul il y a plusieurs années déjà, mais que nous reprenons toujours à loisir) ; que le vrai ailleurs n’est sans doute plus géographique.

[2] Après qu’elle et moi ne soyons plus ensemble, Ermold m’avait raconté des indiscrétions de Sylvia et Lorraine comme quoi elle aurait copié cette dernière en rencontrant son frère.