(midi) Réveillé par un coup de fil de Georges qui me raconte une bonne blague — pas très orthographique :
Quelle est la différence entre un rappeur et un scout ?
La rappeur nique sa mère, et le scout monte sa tente.
Il revient de Londres, où il a passé une petite semaine avec (sa) Stéphanie, et émet l’idée qu’on pourrait aller la chercher ensemble, lorsqu’elle reviendra à la fin de l’année ; une bonne idée.
Encore une fois rentré à des heures impossibles. Les oiseaux chantaient déjà dans les arbres (voilà quelques semaines qu’ils se sont remis à chanter le matin. D’un coup, le monde est différent). Je n’ai pas eu, une fois encore, envie de me coucher. Mais ça commence à peser. J’avais donné rendez-vous à Xavier et Claire au Saguaro, et je n’aurais pas dû. Les y emmener m’a embarrassé. Nous y avons passé pas mal de temps à l’époque de La Musique, où à partir du moment où ce bar a ouvert, il est devenu un de nos endroits de sortie réguliers (le premier, à dire vrai, parce que nous habitions désormais tous en ville), mais il a aujourd’hui pour moi un autre sens, celui d’autres amitiés, d’autres formes de sociabilité. Le scénario de la semaine passée s’est d’ailleurs reproduit : je me suis vite ennuyé, et les ai laissé tomber. Il y avait en plus cette gêne ancienne que je ne ressens pas avec mes compagnons de sortie d’aujourd’hui ; l’impression de n’avoir pas grand-chose à leur dire. Je change de monde ; déjà un pied dans l’enfer (Paul pourrait m’y accompagner). Je les ai laissé partir assez tôt voir jouer Fred dans un autre bar, sans envisager une seconde de les suivre : ils s’en souviendront. C’est ainsi. Je reviendrai sans doute vers eux, lorsque je serai fatigué, ou bien si je retrouve une vie plus stable. Mais pas maintenant.
En plus, Stéphanie est arrivée inopinément, ils lui avaient donné le rendez-vous, et ça s’est mal passé entre nous. Nous ne nous verrons plus je crois. Ça me chagrine, j’aurais bien aimé que les choses soient différentes, mais elle-même n’en a plus envie, je le vois bien (si jamais elle l’a eu). Nos rares rencontres désormais sont empruntes d’un affect compliqué qui déborde à la moindre occasion. C’est à chaque fois problématique et douloureux. On verra, là aussi, dans deux ou trois ans si nous pouvons nous revoir ; mais je le dis maintenant : probablement qu’à ce moment, il n’en sera plus du tout question. Et que ce sera très bien comme ça.
Pourtant les choses ne se sont pas très bien passées avec Ermold le Noir non plus. Un moment, j’ai vraiment senti le poids du monde me tomber sur les épaules. Toutes les conversations tournent autour, bien sûr, de sa rupture houleuse, et c’est compliqué, parce qu’il faut faire la part entre ceux qui savent pour Marie-Charlotte et ceux qui ne savent pas et ne doivent pas l’apprendre ; il aime bien jouer avec ça, il joue continuellement à ce petit jeu ; et c’est usant. Il m’a accusé d’avoir parlé alors qu’il m’avait fait promettre de tenir ma langue (après avoir été mécontent que j’aie parlé à Nathalie mercredi soir : c’est elle qui le lui a appris – j’oublie que ça peut venir de divers côtés). À tort, même si j’ai bien commis une maladresse ce soir-là. Malgré mes dénégations, je crois qu’il continue à être persuadé de « ma trahison », comme il dit avec ses grands mots. J’avoue n’être en effet pas très digne de confiance, et je suis souvent au bord d’en dire trop, comme pour tester les limites ; mais là pour l’essentiel il se trompait, et ça m’a fait mal. J’ai eu envie de cesser d’exister. Puis j’ai continué de tourner dans la nuit, et de me consumer de mon propre feu, selon le parcours désormais fixé, et qui, aux dires d’Ermold, chroniqueur en direct de sa propre « dégénérescence supérieure », est le seul destin. J’aimerais bien, moi, avoir un autre but que de n’en pas avoir et de tourner dans cette nuit sans début ni fin où, malgré les avancées, je me consume en effet de plus en plus. Mais pour le moment, je n’en ai pas la force.