Lundi 17 mars 1997, Sant Padrig

Le brouillard aura mis du temps à se lever. Depuis quelques instants je me suis replongé dans le réjouissant bordel de Blonde Redhead. Toutes fenêtres ouvertes.

Mon rapport avec Sarah (qu’il ait déjà cessé ou qu’il dure d’une manière ou d’une autre) ne pouvait qu’être compliqué, puisqu’il est probable que je ne l’aurais pas rencontrée si elle n’avait pas été avec Adalard[1], et qu’elle ne serait pas allée vers moi non plus si elle n’avait été en délicatesse avec lui. Il faut bien l’accepter. Et donc prendre de la distance. Je ne vais pas continuellement jouer les amoureux transis (oh j’en suis capable !). Et puis suis-je vraiment amoureux ? N’est-ce pas plutôt d’abord la jalousie de voir aller à un autre ce qu’on a commencé par avoir ?

Sorti avec Broerec-l’Andalou, histoire de boire quelques coups pour la saint Patrick. Vu par deux fois Sarah, accompagnée d’Audrey Gaillard ; dans un pub bondé, puis au coin de la rue de la Barillerie alors que je rentrais. Nous n’avons guère fait plus que nous regarder en souriant (mais heureusement Audrey est bavarde). J’aurais peut-être pu lui téléphoner une fois arrivé, mais je n’ai eu cette audace qu’en pensée ; et puis il vient un moment où on ne sait même plus trop ce qu’on désire. J’étais si fatigué que je marchais le plus souvent les yeux clos ; dans la longue rue droite qui mène à mon immeuble, ma route s’est mise un moment à dévier peu à peu, et je me suis presque retrouvé étalé sur le capot d’une voiture garée contre le trottoir.

[1] Je me rappelle qu’après une première rencontre elle lui avait posé un lapin (la même, donc) ; il m’avait téléphoné pour avoir le numéro de personnes qui pourraient connaître le sien. Je n’avais pu le renseigner. Cette fille, je ne voyais pas du tout qui c’était.