Les toits enchevêtrés, sous un ciel immense (15 avril 97)

Ce soir, après avoir passé un peu de temps à bosser un morceau de The Jesus And Mary Chain en écoutant une émission sur les psy sur France Inter, je me suis laissé enfermer dehors en descendant chercher le courrier ; je me suis retrouvé sur le pallier, la porte se refermant au moment même où je réalisais que je n’avais pas pris la clef. Et là, avec les serrures américaines, impossible d’ouvrir de l’extérieur. La mort dans l’âme (j’étais en mocassins bateau de l’ancien temps, et avec un jean pourrave plein de trous que je mets pour rester chez moi), j’ai dû aller sonner chez le voisin du dessus pour lui demander si je pouvais téléphoner à mes parents pour qu’ils m’apportent le double des clefs : je n’avais évidemment pas de carte de téléphone sur moi – d’ailleurs je n’en ai plus, il faut que j’en rachète une.

Heureusement, le mec était sympa. Il m’a offert des bières, qu’on a bues en regardant un bout de la soirée de fermeture de l’Olympia à la télé en caressant son chien. Je ne m’attendais pas à pénétrer dans un tel intérieur ; j’avais choisi d’aller sonner là parce que je savais que les locataires étaient jeunes – les relations avec mes voisins de pallier directs, des vieux propriétaires depuis la construction de l’immeuble, ont été glaciales dès le départ. Mais là, surprise, c’était justement comme un appartement de vieux : avec une table ronde couverte d’une nappe et des chaises autour, un grand canapé en cuir tourné vers le poste de télé ; et dans la chambre, un ensemble lit-armoire à la tête tout droit sorti du catalogue Conforama. Très peu de CD aussi, ils n’avaient pas l’air d’être des amateurs de musique (la musique, c’est important pour moi). Il m’a dit qu’il travaillait chez Leclerc, et sa copine à Auchan : ça explique peut-être cette installation de couple déjà bien établi malgré leur âge. Mais je ne pensais pas qu’il puisse y avoir une telle reproduction des schémas de la génération précédente, à une ou deux exceptions près liées à ce que les modes changent ; c’était vraiment le mobilier typique du pavillon de banlieue des gens qui ont quarante-cinq ans. C’était inhabituel pour moi (pas un livre en vue non plus, tiens). En tout cas, il m’a bien aidé, je lui en suis vachement reconnaissant. Ensuite, Joris est arrivé, et il est resté boire quelques kirs avec moi dans la cuisine en fumant ; on a parlé de la mise en scène. Comme je n’ai pas mangé de la soirée, avec tout cet alcool, je ne me sens pas dans mon état normal.