, charmante le 5 mai dans une robe de velours orangée

Reçu cet après-midi un message enjoué d’Hélène, la copine de Clément, sur ma boîte mail : ça m’a fait très plaisir ; elle y raconte des bêtises, des petites choses sans importance ; mais ce n’est pas ce qui est dit qui compte le plus. Clément et elle ont l’air de beaucoup s’amuser et de bien s’entendre, et ça me réjouit. Je reste aussi étonné de la manière dont le courant est bien passé entre nous. C’est elle qui m’a encouragé à créer une adresse email ; je ne voyais pas bien à quoi ça pourrait servir : au moins à ça. J’espère que nous continuerons lorsqu’elle sera repartie au Canada.

 

J’ai rebranché la télé ce soir pour regarder Kagemusha sur Arte. Peut-être parce que j’étais fatigué (après avoir piqué de grosses colères pour des conneries à peine rentré chez moi cet après-midi), j’ai commencé par trouver ça gonflant. Puis je m’y suis laissé prendre.

Les images, la manière de filmer, sont d’une grande noblesse, mais qui ne verse que rarement dans la rigidité ; on ressent même souvent une légèreté au contraire : c’est peut-être dû à toutes ces bannières qui claquent sans cesse au vent, à ces lentes ondulations de colonnes humaines. Ce n’est pas du film de guerre en costumes à l’américaine (notamment parce qu’il se cantonne presque toujours à une vision très extérieure aux personnages, dont la psychologie n’est qu’esquissée en quelques traits, et qui sont d’ailleurs filmés en plans larges la plupart du temps : à cet égard le plan d’ouverture, où on ne distingue même pas les visages, est exemplaire). Mais à part la présence de longs plans immobiles, ma trop faible culture cinématographique ne m’a pas permis de repérer, pour autant, en quoi c’était vraiment différent ; en plus, je n’avais encore vu aucun film de Kurosawa, je crois. Certaines choses ne nous sont pas du tout habituelles, comme la grande théâtralisation des attitudes, parfois délicate à interpréter, ou qui semble grossière, comme à la fin, où l’ombre rejetée, qui devient pourtant pratiquement la seule présence vraiment humaine, adopte des mimiques de masque de théâtre de plus en plus appuyées.

Mais les images sont très belles, et la télé ne leur rend pas du tout justice (surtout mon petit écran ; mais la différence avec le cinéma ne se situe de toute façon pas à ce niveau) ; j’en viens à mieux comprendre, ou à regarder avec un œil moins critique Les Cendres du temps de Wong Kar-Wai, qui nous avait fait bien rire lors de sa projection aux 3 Continents, avec ses images de pub pour parfum ; de nombreux cadrages, et jusqu’à certaines scènes présente une grande parenté avec le film de ce soir. En revanche, je n’arrive pas du tout à me faire à certains traits culturels, qui me font me demander comment je peux encore m’intéresser au Japon : cette manière d’aboyer continuellement qu’ont les hommes quand ils parlent, c’est répugnant — de violence, de grossièreté ; en présence d’une telle façon de s’exprimer, je ne pourrais être que très mal à l’aise. Je ne sais pas si les gens parlent comme ça aujourd’hui encore (mais la langue me semble sèche et cassante), mais je l’ai vu dans des films — et ce sont seulement les hommes. Possible aussi qu’il s’agisse d’une convention liée au fait que les personnages sont des guerriers virils… Les femmes, elles, adoptent des attitudes de soumission qui font plutôt frémir, de même que les pauvres, toujours à la merci des puissants, toujours courbés et à se rouler dans la boue dès que passe à cent mètres quelqu’un qui leur est supérieur ; c’est proche de l’insupportable (même si ça ne veut pas dire que Kurosawa approuve).