Pour ma dernière entrevue avec le Docteur Moreau avant septembre, j’ai été étrangement en proie à une grande excitation. Puis je suis passé au débotté à Tacoma où j’ai acheté deux disques : un album de pure pop britannique qui m’a conquis à l’écoute comme je ne l’avais pas été depuis longtemps par ce type de musique (Belle & Sebastian), et un disque de Rubén Gonzáles, vieux pianiste cubain, excellent. La musique cubaine revient à la mode, mais sans ça, sans tout un dossier sur le sujet dans le numéro des Inrocks de la semaine dernière, je n’y aurais probablement pas prêté attention. Il y a tant à découvrir ! J’aime de plus en plus ces musiques chaloupées (dans l’univers desquelles j’ai été introduit par l’extraordinaire Full House de Wes Montgomery, enregistrement d’un concert à Berkeley en 1962). Elle n’enlèvent rien à la profondeur du désespoir, mais lui donnent une légèreté qui le rend en un sens dérisoire et (paradoxalement peut-être) aide à vivre. Elles me donnent aussi parfois une joie sourde, trouble, à la limite d’être mauvaise.
Crises d’angoisse à l’idée que la plupart de mes activités n’ont aucun sens ; que je n’existe pas. J’ai constamment la soufflerie de cet inutile ordinateur dans la tête, instrument sur lequel je m’obstine à me prouver que je suis quelque chose en accumulant des lignes alors que ça n’a aucun sens. En accumulant ! Quelle tristesse ! Ma vie n’est que ça, tentatives d’accumuler du rien en petits fragments…
Il faudrait sortir, par exemple aller retrouver des gens à la terrasse des cafés, mais ce serait encore fumer comme un malade… et puis à quoi bon ?
Quelle horreur que tout ça ! Il faudrait pouvoir tout balancer.