Jeudi 28

On a beau être contre tout européocentrisme, contre toute notion d’universaux, le sort réservé aux femmes dans un pays comme l’Inde est tellement révoltant qu’il est difficile de ne pas crier au scandale. Toute sa vie une femme y est l’esclave des hommes ; de son père, puis de son mari (qu’elle n’a pas choisi), qui a pratiquement droit de vie et de mort sur elle : quand la femme est considérée comme indocile, nombreux sont les meurtres, qui ne sont presque jamais poursuivis par la justice. Avoir des filles est considéré comme une malédiction dans une famille, et une femme n’a strictement aucune reconnaissance comme individu (c’est à se demander comment Indira Gandhi a pu être premier ministre, et comment les hommes n’ont pas empêché qu’elles votent). Elle n’a droit à rien, mis à part obéir, et, dans les classes moyennes et populaires au moins, surtout pas le droit à l’éducation. Comme le répète un père qui passe son temps à glander[1] et laisse à sa femme et sa fillette de dix ans tout le travail, « il n’est pas bon qu’une fille en sache trop. Tout ce dont elle a besoin, c’est de connaître les rudiments du ménage, qu’elle apprendra de toute façon ». Tu parles ! l’éducation finirait peut-être par trop les pousser à vouloir changer la situation. C’est ce que je retire d’un documentaire sur Arte.

Dans le détail, la situation n’est peut-être pas toujours aussi diablement noire, de la même manière qu’on connaît depuis nos temps très anciens des figures de femmes ayant secoué le joug masculin dans une société qui ne valait de ce point de vue guère mieux (peut-être est-ce notamment un trait indo-européen : cette horrible mentalité semble être le plus ancrée dans le nord de l’Inde, où elle est millénaire) — le pater familias romain avait lui expressément droit de vie et de mort sur son épouse — mais comment ne pas vouloir renverser un tel état de fait, qui retourne tristement aux Hindous cette appellation de Barbare dont Henri Michaux avait voulu nous stigmatiser face à eux ?

[1] Belle sagesse des Hindous, tu parles !…