Mercredi 15 octobre

Je suis passé à la fac cet après-midi, avec l’intention de me faire prêter la thèse de Ferni. Ermold était dans son bureau avec le Minotaure ; je me suis laissé embrigader pour déménager des armoires : comme si j’appartenais encore à la section. C’est toujours un désespoir pour moi d’être là comme des cheveux sur la soupe, de n’avoir aucune fonction quand j’aimerais tant en occuper une. Et cette année, comme les lettreux ne m’ont pas donné de cours, j’ai encore moins d’occasions de me donner cette illusion ; les années précédentes, j’avais un prétexte pour traîner, je venais faire un tour après mes cours. J’ai la désagréable impression d’être en dehors, d’être toujours à frapper à la porte — ce qui, je le sais, est ridicule puisqu’il n’y a jamais eu aucune raison que je sois dedans : mais c’est comme un monde merveilleux qui m’attire et auquel je n’arrive pas à avoir accès autrement que par la bande, de temps en temps. Merveilleux pour quoi ? bonne question, mais c’est de façon à peine naïve de ce que je ressens ; le sentiment d’être utile peut-être ; de participer à une équipe ; et de le faire tout en s’amusant. Toutes choses que je n’ai jamais vraiment connues, seul avec mes bouquins poussiéreux et chiants et mes concepts à la mords-moi-le-nœud.

À ce sujet, Parnet m’a passé une sorte de bulletin de « mon » département, qui lui avait été envoyé à Nantes à mon intention. Une petite feuille de chou visant à resserrer les liens et faire un bilan de ce qui se fait. « François Balogh »… J’ai été gêné de m’y voir cité, tellement est fort mon manque d’envie, et la culpabilité de ne pas en avoir. En même temps ça me relance, et ce n’est vraiment pas du luxe.

Une idée de nouvelle : un mec va avec sa nouvelle copine chez un ami, qui la casse insidieusement ; le type se sent pris entre deux feux, ne sait trop quoi faire, et peu à peu il se range du côté de l’ami, avec lequel il ne peut s’empêcher de faire bloc (craignant plus de le perdre en se déconsidérant à ses yeux que de perdre la fille). Typiquement le genre de scène que je déteste voir au cinéma : ça me met affreusement mal à l’aise. Mais si l’écrire serait difficile, c’est moins pour ça que parce que je ne dépatouille pas très bien avec les dialogues ; trouver des répliques originales et qui percutent, ce n’est pas mon fort. Ça sonne faux à chaque fois ; on dirait une imitation en toc.