Un peu avant dix heures, un coup de téléphone de Xavier. Ça faisait des mois qu’on ne s’était plus parlé ainsi, de Brest à Nantes. Depuis notre brouille tacite de février, en fait. Là on a parlé plus d’une heure, et au départ je me suis senti bien timide. Il a parlé de sa mère (il dit « Maman » d’une manière ô combien sincère et touchante… ; pour la première fois sans doute), de son père, et j’ai essayé d’avoir des paroles justes. Puis il m’a appris ce dont je me doutais : Claire est enceinte ; là où je me suis trompé est qu’elle l’était déjà à la mort d’Annie ; ça fait trois mois. Je suis heureux pour eux, c’est la meilleure chose qui pouvait arriver. Et le plus réconfortant en un sens est que sa mère le savait au moment de mourir. Je n’ai pas encore évalué les changements psychologiques que vont pouvoir provoquer ces naissances prochaines autour de moi, mais ça me fait bizarre de penser que Xavier sera père d’ici six ou sept mois, même si nous sommes moins proches qu’avant.
Lorsque le téléphone a sonné, je pensais que ce serait Paul. Je l’avais appelé pour sortir mais il n’y avait personne, et j’ai fini par en prendre mon parti de rester cloîtré chez moi un soir de plus cette semaine. Comme le dit justement Joris, lorsque Paul et Victoria sont injoignables de la journée, c’est étrange, on a un peu le sentiment d’être abandonnés. J’en ai profité pour commencer à taper la dernière version de ma nouvelle en chantier retardé, « La Pissouse », et j’aurais peut-être terminé si je ne m’étais laissé aller à m’avachir devant des conneries à la télé : piège du solitaire. J’ai l’impression que c’est fait de bric et de broc, qu’il manque l’évidence d’une unité ; mon sujet lui-même est peut-être bancal, mais je crois que je ne m’en suis pas tiré au mieux non plus ; je n’arrive pas à entretenir durablement l’ambiance « fantastique » qu’il requerrait.