Dimanche 11 janvier 1998, à Nantes

Sieste lourde dans l’après-midi, après une très courte nuit passée avec Sonia — mal passée ; j’aurais mieux fait de me cantonner à la résolution que j’avais prise qu’on ne couche plus ensemble, et n’aurais pas dû tant manœuvrer pour la ramener chez moi (j’ai surtout maudit de la rencontrer au Saguaro : je n’en ai quasiment pas échangé un mot avec Chepe, à qui j’avais initialement donné rendez-vous là, et puis une fois lancée la mécanique du désir sexuel, plus grand-chose n’aurait pu l’arrêter…). Un instant avant le réveil j’ai rêvé d’un café, qui ressemblait au Saguaro sans l’être — sièges bas, lumière chaudement colorée, bois ; je m’y trouvais pour rencontrer (je ne sais pourquoi ni comment) de vieilles connaissances perdues de vue, certaines depuis très longtemps, comme un garçon avec qui j’étais en bons termes au collège, mais que j’ai perdu de vue depuis sept ou huit ans. Il y avait aussi Laure et son copain, que dans le réel je ne souhaite pas revoir, et à qui je n’osai pas adresser la parole quoiqu’ils fussent assis juste à mes côtés (Laure et moi avons cessé de nous voir suite à ma réponse très ambiguë à sa dernière lettre. En fait, je ne sais pas ce qu’elle en a pensé, si ce n’est qu’elle n’y a pas donné suite, ni ce qu’elle a pu en dire à son copain. Moi je ne sais plus où je me situe par rapport à elle). Il y avait aussi D., qui paraissait revenir d’un de ses longs séjours à l’étranger et me demanda d’entrée de jeu « ce que Nantes avait fait hier soir » (au foot), et puis des habitués qui se trouvaient là indépendamment, Ermold, que j’évitai de regarder, et Adalard ; c’est vers ce dernier que j’allais lorsque je me suis réveillé.

Montréal est presque en entier privée d’électricité : le Québec souffre d’une des périodes de verglas les plus sévères de son histoire — c’est du moins ainsi qu’ils ont présenté les choses aux informations. Pensé à Clément, qui m’en avait touché un mot l’autre jour, me décrivant les arbres uniformément pris, comme le reste, dans une enveloppe de glace translucide de deux ou trois centimètres d’épaisseur déjà, qui les faisait casser comme du verre, et racontant comment il est presque impossible de faire un pas dehors sans se casser la figure.

Passé chez Victoria pour me rafraîchir les idées, après être allé jusqu’au Commerce acheter des clopes (qui ont encore augmenté : 16,40 F pour le paquet le moins cher maintenant). Je comptais faire une brève apparition, mais suis finalement resté toute la soirée, Victoria m’a invité à dîner. Paul également est venu, malgré sa désapprobation : il continue de faire comme si de rien n’était. Il a du mal à intégrer que c’est fini entre eux. Mais puisque Victoria n’a pas le courage de couper les ponts (ce que leur participation tous deux à l’asso de Marie-Charlotte rendrait difficile), il s’accroche, de façon un peu désespérée ; ce qui le conduit parfois à des débordements de méchanceté gratuite envers elle auxquels il est impossible d’assister sans malaise. Bref, il s’enfonce. Son univers lui échappe, et il ne sait pas comment faire. J’ai agi de même lorsque ça a été mon tour.