Mardi 3 mars

Je m’ennuie. J’ai cessé de trop me tourmenter, mais par moments la solitude est pesante. Si j’écris, elle le paraît moins : elle y est même au fond plutôt nécessaire. Mais là je n’en ai pas envie.

J’ai du mal à lire beaucoup de pages d’affilée de L’éducation sentimentale maintenant que j’arrive à la fin. Parce que c’est plus ou moins un roman de l’échec — ou de la vanité des fantasmes de réussite. Regarder ces choses en face m’a toujours déplu (même si je n’ai pas l’impression de trop m’investir non plus dans Frédéric Moreau). C’est un très bon roman. Peut-être qui garde trop de distance par rapport à ce qu’il raconte : ce n’est jamais vraiment émouvant. Le souci de précision est grand, mais certains épisodes en manquent de vigueur, notamment les scènes de la révolution de 1848, auxquelles le texte reste très extérieur. Manière de faire qui est parfois magnifique, comme dans le célèbre

« Il voyagea.

Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.

Il revint… »

avec sa structure symétrique, où tout est dit en un alinéa (et qui fait suite à des moments de récit très détaillé), mais qui provoque à d’autres endroits comme une sensation de vide. C’est, d’une manière globale le reproche qu’on peut lui faire : une trop grande recherche de la perfection formelle, qui amoindrit l’effet produit.