Dimanche 8 mars 98

Jusqu’au bout je me serai tâté pour savoir si j’irais au concert de Mark Eitzel au Panonica, mais finalement non. Il est onze heures à peine, mais je ne vais pas tarder à aller me coucher ; je m’ennuie (comme d’habitude), et puis j’en ai marre du 51 qui me fait arriver en retard une fois sur deux à mon « travail » le lundi matin, il est incapable de respecter son horaire : je vais essayer de prendre le précédent. Il passe à 6h55…

Cet après-midi je suis allé voir avec Joris le dernier des quatre appartements où il y avait une exposition, au bout du quai de Versailles. Il y avait à nouveau des choses très bien — mais cette fois pas de Claire. L’idée en elle-même (qui n’est pas neuve) est excellente. Surtout quand il devient difficile de faire le partage entre ce qui est exposé et ce qui appartient au lieu. Ermold était là lui aussi ; j’ai reconnu sa voix éraillée, venant de la cuisine, avant même d’avoir quitté l’entrée — il n’aura donc pas accompagné Marie-Charlotte dans sa maison de campagne, elle a dû être déçue. Discuté quelques minutes agréables, puis retour par l’île de Versailles. C’était la sortie de l’après-midi ; autrement, je n’aurai pas fait grand-chose, mis à part taper quelques vieilles pages de notes remontant à plusieurs années. Pas travaillé, en tout cas.

Je me suis couché trop tard hier soir. Je pensais que ce serait une petite soirée, et on est resté chez Loïc et Coline jusqu’à trois heures. Joris et moi avons chanté des chansons de Malicorne avec Jeanne au violon et Nicolas à la guitare, Mathix nous a fait écouter des morceaux d’Amon Düül et de Ash Râ Temple (il commence à devenir un bon spécialiste du Krautrock — sa curiosité en matière de musique est insatiable), et on est longuement revenus sur notre période héroïque, en se passant des enregistrements rares de Modulator Overdrive : c’est toujours aussi jouissif, ce que faisaient Loïc et Jérôme ; ils étaient vraiment en avance. Comme chaque fois qu’on part dans des discussions de ce genre, Coline a eu l’air de s’ennuyer ; même si ce n’est peut-être pas toujours à tort, elle fait souvent la tête. J’ai aussi acheté à Matt un exemplaire de l’album de Loïc, arrivé en début de semaine. Pour le moment, il n’a pas de distributeur national — tout le monde ayant été sans doute dérouté par sa relative étrangeté.

Avant d’y aller hier soir, j’accompagnais Joris acheter des clopes place du Commerce (endroit qu’on n’évite quand on n’a rien à y faire de précis). C’est là que se trouve le seul vendeur ouvert après vingt heures, et il y a toujours la queue dehors. Un type est arrivé, un grand noir rasé, walkman enfoncé sur les oreilles. Il s’est dirigé vers l’avant de la file, et a insisté auprès d’un mec pour qu’il achète un paquet à sa place, lui tendant l’argent. Le genre de chose qui m’insupporte grave. Quand l’autre est sorti et lui a tendu timidement son paquet de Marlboro, sans ôter une seconde son casque de ses oreilles, le mec s’est mis à gueuler : « Putain ! C’est pas ce que je t’avais demandé, merde ! J’avais dit des Phillip Morris ! ». L’autre s’est confondu en excuses d’une voix contrite, et lui a même souhaité bonsoir avant de s’éloigner les épaules rentrées.