Rencontré Chepe sur le quai du tram à la fac en revenant de mon travail ; je l’ai entraîné à boire un verre en ville, puis lui à son appartement (après un détour par une agence de voyage pour réserver le billet de son voyage en Colombie cet été[1]), où je suis finalement resté dîner avec deux copines, dont une Madrilène — ah, que j’aimerais avoir une copine espagnole !
J’ai regardé le film de Makhmalbaf, Salam Cinéma, et, sans exagération, j’avais rarement vu quelque chose d’aussi fort. C’est tout simplement extraordinaire. Profondeur sans démonstration, émotion difficilement soutenable. Le principe du film est simple : Makhmalbaf (une star en Iran, visiblement) a décidé, pour marquer le centenaire du cinéma, de tourner un film sur les gens qui veulent devenir acteurs ; il procède à un casting pour sélectionner les plus intéressants des milliers de candidats qui se présentent (on assiste quasiment à une émeute au début) : et la matière du film se réduit, si on peut dire, au tournage de ce casting — un lieu unique, un dispositif cinématographique très simple. Le rôle des gens choisis, c’est leur prestation face au réalisateur assis derrière son bureau : il le leur révèle à la fin, sans que ce soit toujours bien compris. On assiste à des moments incroyablement intenses, générateurs d’une puissante réflexion, sur le cinéma, son pouvoir, ce qu’est être acteur ou réalisateur, mais qui déborde également de beaucoup ces questions pour en rejoindre d’autres plus essentielles sur l’humain ; c’est confondant. On pourrait sans difficulté trouver dans ce film matière à écrire mille pages au moins.
[1] Il a un frère qui vit là-bas ; qui travaille pour Médecins du Monde.