Mercredi 10 juin 1998, Nantes

C’est vraiment se moquer du monde. Ça fait des semaines que je cherche à voir enfin Branger, mon directeur de recherches pour lui parler de mon travail : chaque fois que je vais à Rennes, il est absent ; j’appelle la semaine dernière, il était encore absent pour toute la semaine. Et ce matin, il est à nouveau très pris, la secrétaire me fait poireauter cinq minutes au bout du fil pour me dire finalement de rappeler dans quelques jours, alors que j’ai distinctement entendu qu’il était dans le bureau : n’aurait-il pas pu me prendre trente secondes pour qu’on fixe un rendez-vous ? Et elle qui m’expédie en quelques mots sans même écouter les quelques précisions que j’ai à lui donner. J’en ai vraiment assez de me faire traiter comme un chien. Ça me met sur les épaules une pression supplémentaire, dont je n’ai franchement pas besoin. Comme si c’était facile. Il faut vraiment en vouloir pour continuer dans de telles conditions d’indifférence…

Ensuite, assez peu travaillé. Forcément. Griffonné une page de notes peu convaincante, trop abstraite, sur la grammaire et la forme que lui donne sa prise par la technique. Puis longtemps sur SoundEdit, à régler la rythmique d’une sorte de dub spatial crasseux. Je n’ai pas avancé mon texte. Il ne faudrait pourtant pas attendre que les cendres du tournage soient trop refroidies, si je veux que ce soit un moyen de garder certains contacts.

Aujourd’hui, lu Le Grand cahier, d’Agota Kristof. Excellent, contre toutes mes préventions. Un roman contemporain qui mérite de rester. Un thème classique, l’enfance confrontée à l’expérience de la guerre, mais d’une tranquille et précise cruauté, teintée d’un humour qui circule constamment entre les lignes. C’est simple et percutant.