Conduit Loïc et Coline à la gare de La Baule, ville où je ne me sens pas très à mon aise. Sur les quais, les jolies filles étaient bien plus nombreuses que la moyenne ailleurs, signe indubitable de bourgeoisie. Tout ça n’est pas pour nous — me dis-je parce que je ne sais pas aller au-delà du masque premier que je veux voir sur les gens (mais j’ai l’impression de continuer à appartenir par trop de côtés à un autre monde – « rock » selon l’expression un peu bêta de Joris, parce que nous ne sommes pas très « rock » en fait. Les gens ne s’y arrêtent peut-être pas, ou s’en fichent, mais c’est vrai, tout de même, que lui avec ses cheveux longs en bataille, moi, ma chemise in en synthétique et mes Adidas seventies trouvées au marché au puces à Méliniac pour quinze francs, nous pouvons passer pour différents une minute. Enfin peut-être tout le monde n’a-t-il pas un sentiment des différences sociales aussi développé que le mien, qui est presque pathologique, et m’empêche beaucoup d’aller vers les autres).
Après quelques jours environné de gens, je vais passer les trois prochains seul, puisque Joris va travailler au cabinet médical de notre oncle (il est à Méliniac, avec des intermittences, depuis le début du mois). Beaucoup parlé de musique : outre Loïc, Mathieux et sa copine Marie ont été là jusqu’à dimanche soir ; elle est aux Beaux-Arts de Paris, et s’occupe d’un fanzine qui traite uniquement de démos très underground. Sa grande naïveté a poussé à ce que les discussions tournent vite à la polémique, d’autant plus qu’il nous en faut peu pour nous lancer sur ce terrain. Je préfère d’ailleurs voir Loïc quand il est seul, pour donner tout le champ libre à nos penchants. Lorsque Coline est là, il la traite souvent si mal que je trouve ça gênant ; il est bien pire qu’Ermold le Noir avec Marie-Charlotte (qui sait aussi mieux se défendre). En fait, il se préoccupe à peine d’elle, elle est presque là en plus, et il n’a que faire de ses désirs et récriminations. Il est d’un naturel entier et égoïste, mais ça le montre sous un jour moins bon — qu’il vaut mieux donc ne pas souffrir, puisque je l’apprécie pour les autres. C’est triste de voir comment elle s’accroche à lui, comment elle est prête à toutes les humiliations. Schéma trop connu du couple déséquilibré. Et le pire est qu’elle en a parfaitement conscience mais ne peut se résoudre à rien tenter pour que ça change. Il est de toute façon trop tard sans doute. Lui se moque bien d’être ou n’être pas avec elle ; ce n’est pas ce qui le retient dans l’existence. Il n’a de toute façon jamais caché que la musique était pour lui le plus important ; tout son esprit est tendu vers elle. Ce côté dur de sa personnalité est quelque chose qu’on ne peut guère imaginer quand on le voit sur scène.
Depuis samedi, plusieurs heures de badminton tous les jours.