Hier soir dîné chez Joris, vendredi invité à une fête chez Sylvain : encore beaucoup de sorties cette semaine ; trop, je n’ai à peu près rien fait à côté. Je parle du travail — il avance tout de même à son rythme, trop lent —, mais aussi de mes textes. Là, rien. à se demander si je ressens vraiment le besoin d’écrire. Si ce n’est pas qu’une pose. Aujourd’hui, je suis juste passé chez Joris pour qu’il me coupe les cheveux, et on a discuté une heure tranquillement ; j’ai également terminé une nouvelle lecture de Si c’est un homme, quasiment d’une traite. Je l’ai vu au supermarché en faisant mes courses, et je l’ai acheté, quoique je l’aie déjà, et que je n’aime pas acheter des livres dans ce genre d’endroit. C’était tellement incongru, odieusement décalé par rapport aux autres livres du présentoir et au magasin dans son ensemble : l’achat s’imposait. Je le donnerai à Sonia. L’avoir trouvé là m’inspire des sentiments plus partagés que je viens de le dire. C’est un livre tellement important que c’est bien aussi qu’il soit accessible si facilement.
Hier, une soirée très anecdotique, mais comme il faut bien en faire de temps en temps, toutes les sorties ne peuvent être des œuvres d’art (et dieu sait que les miennes sont loin de toutes l’être). Avec la clique habituelle, plus Stéphanie et sa sœur : voilà bien des gens dont je n’aurais pas imaginé reparler un jour dans ces notes. La veille, c’était médiocre. Je n’ai pas trouvé l’assistance tellement sympathique, et quand mes amis ont été partis, je me suis tout à fait emmerdé. Vautré sur une chaise, je fumais beaucoup trop, participant à de distraites conversations, bien plus enfermé en moi-même (mais un moi-même parfaitement vide, je n’étais qu’une enveloppe extérieure). Je m’efforçais de suivre discrètement les propos animés qu’échangeait, de l’autre côté de la table, Joris avec une fille pas trop mal ; des propos intimes. Je me demande comment il en arrive aussi vite à aborder ce genre de sujet avec les filles. C’est sans doute parce que j’en suis moi incapable qu’il me juge coincé. Et je me sentais en effet en état de totale infériorité, tout en me rendant compte que je n’aurais pas été prêt à faire les efforts nécessaires ; cette fille ne m’intéressait pas, je n’aurais pas pu me forcer (trouver de quoi alimenter une conversation quand on n’a rien à dire n’est pas facile ; et puis ça se sent vite qu’on rame : dès ce moment la partie est perdue). Ça fait ours, mais tant pis. Ce sera différent lorsque je rencontrerai une personne que je pourrai séduire ou que j’aurai le désir de séduire, je me dis. Et c’est quelque chose qu’on sait dans rapidement. En attendant le moindre effort en ce sens me fait tellement chier que c’est à se demander si je suis prêt. Peut-être après tout ne le suis-je pas. Mathix tenait souvent ce genre de discours, quand j’étais avec Stéphanie, et ça me faisait rire. Je trouvais bien ridicule de régenter son existence de façon aussi rationnelle ; mais il n’y avait sans doute pas que ça : aussi la lucidité, en partie inconsciente, de voir que ça ne faisait pas partie de ses priorités. C’est peut-être bien pareil pour moi. En tout cas je ne suis pas Broerec l’Andalou érotomane, qui ne parle plus que de baiser, d’aller « à Paris » (sans l’innocente Céleste, cela va sans dire) faire des expériences à trois, et autres balivernes fatigantes à force — d’autant que je ne suis pas en situation de faire grande figure dans ce genre de discussion. Même si c’est peut-être comme les frites McCain : ce sont ceux qui en mangent le plus qui en parlent le moins.