Peu pris le temps de lire ces dernières semaines ; mais comme j’ai oublié ce sur quoi je travaille actuellement dans la voiture d’Ermold vendredi soir (bon prétexte), j’ai avancé la lecture de Muñoz Molina (Beatus ille), qui, hier soir, m’a même scotché jusque très tard — jusqu’à la fin du livre. Ce que je lisais m’agitait tant que j’ai dû me lever pour fumer dans le séjour, le cœur battant (d’excitation, d’angoisse mal déterminée ?), sursautant au moindre bruit dans l’appartement, craignant jusqu’à mon ombre, puis me servir un verre de whisky. Je tenais ce livre depuis un bon moment, mais ne progressais que lentement ; il me plaisait, et à plusieurs reprises, en découvrant ses méandres, je m’étais dit que c’était tout à fait le genre de roman que je serais fier d’avoir écrit ; je m’y reconnaissais donc, mais le trouvais froid, distant. Or la fin, qui justifie magistralement cette distance innocemment ressentie, est un tel retournement, une telle remise en question du livre lui-même, que j’en suis resté sans voix. C’est un chef d’œuvre.
