Passé hier en début de soirée chez le baron Ermold, qui me reçoit en habit d’intérieur (chez lui, un endroit où l’on va peu, et où on ne reste pas[1], gouverné par l’énigmatique figure du chat. Bel appartement de la rue Rameau, dans un immeuble où, selon lui, a vécu Jules Verne). Je l’avais convaincu de me prêter des notes sur le montage, pour compléter mon cours de demain sur les techniques du cinéma, mais j’en profite pour envoyer un mail à Clément (enfin équipé d’un beau G3 tout neuf), ainsi qu’à Geneviève. Il me montre le travail sur le site VidéOzone, et des vidéos conceptuelles de Takahiro Iimura réalisées au début des années 70 : on l’imagine, très minimalistes, et hautement russelo-magritiennes. Ensuite, parcours obligé Flesselles-Saguaro, ce qui amoindrit beaucoup ma force de travail aujourd’hui. La fin de semaine risque d’être chaude d’ailleurs, avec deux ou trois concerts, dont 22 Pistepirkko dès ce soir ; j’ai dû me dépatouiller comme j’ai pu d’une invitation à dîner chez Arnaud et Sophie vendredi soir.
Au courrier, une lettre de Marie-Eve, depuis le Sénégal, inattendue : surtout pour savoir si je n’aurais pas un plan à Nantes pour monter en janvier le film qu’elle tourne actuellement là-bas. Marie-Eve, c’est la meilleure amie d’Hélène, une fille pleine de vie malgré une histoire familiale compliquée, une mère chérie perdue il y a quelques années, et avant ça un peu perdue dans sa tête je crois. Elle a une magnifique maison de famille déglinguée dans le Charlevoix ; un ancien hôtel peint en bleu ciel, peut-être autrefois tenu par ses parents, je n’ai pas bien compris. Clément et Hélène nous auraient bien vus ensemble. Elle est très agréable ; sans doute trop grano pour moi (comme ils disent) – et moi beaucoup trop snob urbain pour elle. Dans une autre vie, oui.
Une heure du matin, de retour de l’Olympic. Une bonne soirée. Pooka en première partie, duo féminin britannique aux voix éthérées (et pleine d’effets ; avec un petit côté Kate Bush par moments), assez prenant — alors que je les avais trouvées très chiantes il y a trois ou quatre ans, banal folk rock à la guitare acoustique. On les sent vraiment impliquées dans leur prestation, ce qui fait toujours plaisir. Dans la salle ensuite, j’ai repéré une des deux, la plus jolie : une minuscule puce, ce qu’on n’aurait pas imaginé à la voir sur scène, même si elle avait un peu tendance à disparaître derrière sa guitare. Son copain, qui les fait aussi tourner, et avec qui on a discuté parce que Philippe le connaît de ses concerts avec Loïc, avoue qu’elles ont les plus grandes difficultés à vivre de ce qu’elles font. Ensuite, les trois hurluberlus finlandais de 22 Pistepirkko, un grand foutoir de synthés analogiques seventies, de guitare blues erratique et de batterie à peine audible ; trois grands échalas sapés n’importe comment mais très classes, et leurs chansons sont souvent sans queue ni tête. Parfois le batteur vient prendre le micro, il s’assoit par terre, voire se couche presque contre les retours, et excelle alors dans le rôle de l’homme qui ne sourit jamais, chantant d’une voix monocorde et avec un accent à couper au couteau.
[1] À vrai dire comme chez moi depuis que je vis seul.