Ce soir concert du Jon Spencer Blues Explosion. (En première partie, Andre Williams, un papy sauvage, pas piqué des vers, sorte de Samy Davis Jr réincarné, avec cheveux gominés, moustache, grande gueule, et qui soulève les foules avec son bagout et ses rocks qui parlent de pussy et de motherfucker — toute la mythologie ressortie telle quelle. Il était malheureusement accompagné d’un groupe de gomeux de Hollywood, d’Elvis Presley de pacotille. Drôle, mais fatigant). Le Blues Explosion, c’est autre chose. Jon Spencer Blues Explosion, from New York city. On pourrait dire : les voir et mourir. Concert de l’année sans conteste : une concentration d’énergie incroyable, terriblement séductrice. Leur nom est mérité, il s’agit véritablement d’une explosion continue sur l’heure que dure leur prestation. À part « Wail » et un ou deux autres en rappel, je ne connaissais quasiment aucun des morceaux, mais je suis resté scotché d’un bout à l’autre — sans toujours bien voir ce qui se passait sur la scène pourtant : je n’étais pas le seul à apprécier, la salle était bondée (quand ce n’est pas, que je sache, un groupe à l’aura médiatique très développée). À le voir, le fabuleux Jon Spencer s’approche assez de l’idée qu’on peut se faire d’un mythe vivant ; un charisme phénoménal, mais il sait ne pas en jouer plus qu’il ne sied ; et la quintessence du rock. Une musique sauvage, éructée, constamment inventive même quand elle puise dans les racines bien profondes (le blues, qui retrouve toute son indécente honnêteté, sa verve et sa pénétration, après avoir été honni à cause de sa vampirisation par la musique pour autoradios et celle des zicos de bar qui mettent des doigts partout sur le manche ; une musique incroyablement sexy — Jon Spencer, lui, ne balade pas les doigts sur son manche). Et les deux autres membres du groupe ne sont pas mal non plus. Un batteur fou, et un guitariste, Judah Bauer (son nom même tellement évocateur de l’Amérique), efficace, très fin. Avec pourtant un dispositif d’une simplicité qui confine à l’ascétisme : une batterie réduite au minimum, et deux guitares ; pas de basse, aucun autre instrument. Le power trio dans toutes sa grandeur. Rien ne manque ; de cet ascétisme revendiqué, ils tirent le maximum : ce qui signifie bien plus de musique et de vie que trop d’autres groupes. La classe absolue (et tout le monde avec des chaussures bicolores). Voilà longtemps que je n’avais vu ça.
Et beaucoup de filles dans la salle, beaucoup trop jolies ; sans doute la musique, très sexuée, voire sexuelle. Aucune pour moi pour le moment, j’en ai ressenti de vifs pincements au cœur. Mais ce n’est pas d’abord de sexe dont j’ai besoin, c’est vraiment d’amour ; de fusion.