Un concert de Dominique A passe sur France Inter, chez Lenoir. Je n’ai toujours pas acheté le nouvel album craignant de ne plus beaucoup écouter ce genre de musique, mais il y a là, en fait, nombre des choses que je désire entendre dans le rock depuis un moment ; des arrangements qui renouvellent la conception du bruit (de manière moins difficile que les disques qui ne sont basés que là-dessus, mais pas moins radicale, puisqu’il s’agit encore ici de chansons — quoique « floues », et dont les voix sont peu mélodieuses, peu chantées, même) ; ressortent par intermittence des éléments digérés dans tout ce qui s’est fait d’intéressant ces dernières années, le trip-hop (surtout pour le jeu de batterie), le silence de Talk Talk, le retour à l’expérimental avant que ce soit devenu un genre comme un autre, avec ses codes qui tourneront au cliché sous peu[1], le post-rock non tortoisien, les samples bizarroïdes, jusqu’à des effluves de My Bloody Valentine qu’on n’aurait pas pensé trouver là. Les morceaux m’ont l’air suffisamment inhabituels à l’oreille pour ne pas en juger avec la légèreté d’une unique écoute, mais il y a, à tout le moins une exigence artistique qu’en l’espérant, on n’attendait pour autant pas vraiment après La Mémoire neuve[2].
[1] Cf. les groupes beauzardeux qui « fleurissent ».
[2] Pour continuer sur la musique, très déçu par l’album de Mellow, en revanche. C’est une resucée des sixties, Beatles et psychédélisme de rigueur. Pas forcément un mauvais disque, c’est léger, et ça contient assez d’idées pour intéresser ; mais très mineur, comme Air ou Daft Punk, qu’on écoutera un peu pour le fun jusqu’à ce qu’il soit temps de le remiser au rayon vieilleries démodées (sans doute assez vite).
En rentrant du collège dans l’après-midi, j’ai dormi trois quarts d’heure comme l’eau trouble et profonde d’une fontaine bouchée par les plantes aquatiques, dans la bouche un mauvais goût de tabac. Trop peu dormir avant une journée là-bas ne réussit jamais – hier soir j’étais chez Chepe, pour regarder Andreï Roublev en cassette, mais on a déclaré forfait au bout de deux heures (il en reste donc une heure et quart), devant la fatigue qui nous gagnait, que la trop forte luminescence du noir et blanc sur le petit écran de la télévision n’a fait qu’aggraver. Qui plus est, le film est très elliptique ; malgré la force de pas mal de séquences, l’intérêt est donc plus facilement flottant. Préféré finir la soirée en discussion ; d’autant plus que nous n’hésitons plus maintenant à aborder sans (trop de) gêne les sujets personnels. Nous parlons souvent de sa vie sentimentale, insatisfaite et superficielle comme la mienne, et cette fois de ses projets : le concours de contrôleur aérien qu’il passe début mai à Madrid, « un bon métier, bien payé, où on ne travaille pas trop, et où on boit beaucoup », et pour lequel il part perfectionner trois semaines son anglais à Cork ; ce qu’il fera s’il y échoue : revenir à Nantes une année de plus ; songer à s’y installer s’il échoue une seconde fois. Drôle de situation que d’être dans un perpétuel entre-deux comme il l’est. Mais s’il trouvait, ici ou là, une compagnie féminine durable, il se fixerait. Ce n’est pas bien charitable (ça n’étonnera pas de ma part), mais j’espère un peu qu’il rate son concours cette fois, pour ne pas être privé de sa compagnie l’an prochain : compagnie que j’apprécie de plus en plus, malgré ses défauts ; on a maintenant, je crois, une relation un peu privilégiée. Si j’excepte Joris, il est un des trois piliers de ma vie nantaise nocturne cette année, les deux autres étant Ermold le Noir et Broerec l’Andalou. Une situation qui me pousserait bien à apprendre l’espagnol, si j’en avais le temps et le courage. Pour me donner une possibilité plus concrète de m’extraire de ma gangue, tant ancrée dans la substance de cette ville.