Dimanche 16 mai 1999, Nantes

Mis à part pour aller acheter une baguette ce matin avec Sonia, pas mis le nez dehors de la journée — c’est récurrent (et explique sans doute mon état physique un peu délabré). Si j’avais un appartement plus grand, ou une maison avec un terrain immense, j’en parcourrais tout l’espace, ce n’est pas une question de dimension, mais de séparation intérieur/extérieur ; je ne vais dans l’extérieur que lorsque j’ai quelque chose à y faire. C’est comme si j’avais besoin de me sentir chez moi, et que dehors je n’étais plus en sécurité. C’est effectivement l’impression (toute métaphysique) qu’il m’arrive d’avoir.

La soirée d’hier était très bien, mêlant des amis vernaculaires à d’autres que Joris et moi avions conviés (outre Sonia), Matt et Jenny, Loïc et Coline. Pour le temps que nous les avons vus avant qu’ils partent se coucher, Maël et Léandre étaient ravissants, très rigolos à gambader sur la pelouse du jardin. Le match n’a pas été terrible, mais Nantes a gagné : ce qui compte après tout, je crois. Il y avait un peu de nervosité. Bérengère a passé les deux mi-temps les yeux rivés à l’écran de la télévision, mais elle était en même temps très déçue, puisqu’elle avait une place pour le stade de France, et qu’un excès de travail à la fac l’a empêchée au dernier moment d’y aller (elle fait partie de ces gens très convaincus par le foot depuis la Coupe du monde).

J’ai laissé un peu Sonia dans le bain, discutant beaucoup avec Mathieu, Loïc ou Fred, comme à l’habitude dans la cuisine, mais elle a vite trouvé des comparses ; et mon but a même été atteint, puisqu’Adeline et elles sont allées ensemble à la piscine ce soir[1] ; voilà qui me fait plaisir.

À la fin, juste avant que nous partions, ils ont abordé le sujet de BT, dont ils ignoraient la (probable) tentative de suicide à la fin du mois de janvier, suivie de son internement quelques temps en hôpital psychiatrique[2] ; j’ai choqué Fred en disant que c’était un loser. Il n’y avait pourtant pas d’intention particulièrement dépréciative dans le terme (on dira : au-delà de celle que l’usage commun lui confère intrinsèquement), ça ne venait que des conversations que j’ai eu à son sujet depuis longtemps avec Père ou Joris ; je prends maintenant peut-être moins de gants que par le passé ; mais je crois aussi qu’il ignorait la gravité des problèmes de BT, enracinés très loin, et qui n’ont cessé de proliférer ces dernières années. Ça me gêne tout de même que mes amis puissent penser que je suis sans pitié parce que ce n’est pas franchement la vérité. Même si pour moi, je préfère être sans pitié excessive (ce qui ne veut pas dire pour autant ignorance ou mépris).

[1] D’Adeline, elle a dit qu’elle avait tout le caractère d’une wineuse ; une fille qui ne s’embarrasse pas trop de questions pour avancer. C’est vrai, mais je ne l’avais jamais vraiment vue sous cet angle.

[2] Enfin ce sont des suppositions, je n’ai en fait eu que peu d’informations là-dessus ; de même que je n’ai presque pas vu BT. Si je le vois, c’est en compagnie de Père ou de Paul, et ils ne sont pas beaucoup venus à Nantes ces derniers mois.