Ermold le Noir m’a téléphoné vers midi ; déjà hier en début de soirée, nous étions resté au téléphone presque une demie heure. En ce moment, il m’appelle quasiment tous les jours ; et dans quelques minutes, je vais aller le rejoindre au Flesselles, je me suis laissé convaincre (sans difficultés, je ne me sens l’âme à rien faire de précis), parce que « le vendredi soir, il faut aller boire des bières ». Comme il le pense, il doit y avoir un bon Dieu pour les alcooliques[1], qui lui a déjà rendu maints services ; mais pour rester sous sa protection, il faut lui rendre un culte sans faiblir. Ce n’est évidemment pas ça qui va faire avancer ma thèse (à moins que ce bon Dieu existe bien et qu’il fasse un miracle pour moi), mais ce mois-ci, je n’arrive vraiment pas à travailler. Je passe mon temps à dormir, je me lève tard, et fais une sieste d’au moins une heure tous les jours dans l’après-midi ; je dors et je lis : cette semaine, outre terminer La Formation de l’esprit scientifique, super intéressant (à divers titres, dont pour ce qu’il montre des valeurs proprement axiologiques attachées à l’alchimie et ses survivances dans les esprits « préscientifiques »), j’ai déjà lu un roman de Murakami Ryû, et une centaine de pages de L’Histoire du siège de Lisbonne, de José Saramago. Je n’écoute presque pas de musique. Pour le sommeil, c’est peut-être à cause des antidépresseurs, c’est du moins ce que m’a suggéré Stéphanie hier soir : dans ce cas, le médecin aurait obtenu l’effet exactement inverse de celui qui était recherché. Le Murakami m’a déçu ; c’est le nouvel écrivain japonais dont on parle ici (quoiqu’il ne soit plus tout jeune, il est tout de même né en 1952), son dernier ouvrage traduit, Miso Soup a été abondamment commenté dans les médias, comme reflet d’un Japon méconnu et plutôt trash. Mais j’ai préféré lire d’abord son premier, paru au Japon en 1975 ou 1976, notamment parce qu’il est en poche — aux éditions Picquier, pointues pour tout ce qui concerne la littérature d’Extrême-Orient, en particulier japonaise. Je trouve aujourd’hui cette histoire d’une bande de jeunes qui n’arrêtent pas de picoler, de baiser à tire-larigot et de se piquer à l’héroïne tout à fait caricaturale ; elle a probablement eu une certaine charge de scandale à l’époque — et sonne d’ailleurs très « années 70 » — mais montre surtout maintenant des insuffisances, on en a trop vu de ce genre (ça m’a fait penser à Virginie Despentes, sur qui on a fait ces dernières années d’incompréhensibles gorges chaudes) ; quel qu’ait pu être, aussi, le degré de sincérité de Murakami : le narrateur et personnage principal se nommant Ryû, on peut supposer qu’il y a une part d’autobiographie, d’autant plus que c’est celui qui a le plus de recul sur la situation.
[1] Eventuellement les feignants, mais ce n’est pas établi avec certitude.