Chepe : « Salut Ferenc, Ferenc Balogh ; c’est Chepe Rodríguez. Euh, je t’appelle l’après-midi du mardi tout simplement pour te dire que Joris et moi on s’est parlé, et ma foi, si t’es d’accord, moi, je suis partant absolument. Ben de toute façon, ce serait pas mal qu’on puisse en parler et compagnie, je voudrais pas qu’il y ait des malentendus, d’accord ? On se rappelle, euh, un de ces jours, ce soir, ou demain soir, ou quoi que ce soit pour se payer mutuellement quelques… quelques mousses, d’accord ? Allez, ciao ciao salut. »
Xavier : « Oui, c’est Xav, euh bon ben je suis sur Nantes, voilà, euh j’ai deux-trois bricoles à faire et puis bah, j’aimerais bien boire un coup et puis… voilà, passer un bout de soirée ensemble. Bon ben je rappellerai plus tard. Bye. »
Toute la journée au collège, j’ai fantasmé sur le cul d’une élève de quinze ans, moulé dans un fin pantalon blanc. Avec Sonia, je crois par ailleurs que plus rien ne sera possible. Évidemment, j’en ai très envie maintenant, mais vus tous les (petits) problèmes que cette relation aura suscités, c’est mieux comme ça. Et c’est de façon générale que j’ai très envie de baiser ces temps-ci.
J’ai dormi une heure en arrivant, puis tardé à rejoindre Joris au Bouffay, qui m’y avait donné rendez-vous avec Xavier (resté quelques jours dans le coin après le weekend). Ensuite chez lui, où après l’inévitable minute de nostalgie — regarder quelques morceaux de la vidéo du concert de La Musique en 95 au Panno, écouter la fameuse démo 6-pistes de Bad Wound — on s’est retrouvé à trois, Joris, Mathieux et moi, pour travailler le scénario de son prochain film : quatre heures de discussion serrées entre Mathix et moi, enregistrées sur cassette, qui serviront de base au dialogue. Principalement sur la politique (les élections européennes semblaient un point de départ naturel, et un bon point d’opposition entre Mathieux et moi, notamment parce que j’ai refusé de voter, et que lui a défendu fermement la nécessité de voter pour l’extrême-gauche[1] — parce que pour ce qui est des idées, on se retrouve plutôt). Avec des déviations sur la philosophie et la science, un autre de nos sujets d’opposition favoris, et un nombre incalculable de digressions de tous ordres. Sur les questions fondamentales, je continue obstinément à penser qu’il a tort, que sa position exclusivement sociologisante lui permet trop souvent de faire l’économie de déterminer d’où il pense vraiment ce qu’il pense, et quelles en sont les conséquences ; mais il s’est mieux défendu que moi, argumentant de façon plus précise. Moi, j’étais plutôt dans le registre de la contestation de fond, des piques provocatrices, et cherchais moins nettement des solutions aux problèmes (même si je pense réellement qu’il est plus important d’abord de les poser, que c’est ce qui donne ensuite le plus de chances de trouver des solutions valables). Ce qui devrait donner un schéma intéressant aux deux personnages du film de Joris, qui joueront notre conversation — évidemment remaniée, ne serait-ce que pour la réduire.
Marie-Charlotte : « France, c’est moi, on est mardi, il est neuf heures moins vingt, je voulais savoir si tu voulais… boire un verre, écoute euh ben voilà, je t’embrasse, à bientôt. »
[1] En fait, je suis bien allé voter, mais pas en mon nom propre : comme j’avais décidé depuis un moment de m’abstenir, et que Madeleine a tardé pour se faire établir une procuration, je lui ai proposé de mettre mon bulletin pour elle ; j’ai donc voté selon ses injonctions : Daniel Cohn-Bendit (les Verts. Mais avec lui comme tête de liste, ça modifie un peu leur image : un mélange suspect de gauche solide et de libéralisme libertaire. C’est notamment sa présence qui m’a poussé à abandonner l’idée de voter à ces élections. Mais je crois de toute façon que je vais arrêter quoi qu’il en soit).